E.P.U. 95 Montmorency

Formation MŽdicale Continue du Val d'Oise

ASSOCIATION AMICALE DÕENSEIGNEMENT POST UNIVERSITAIRE DE LA REGION DE MONTMORENCY

 

ENDOMETRIOSE

Dr C. Dupras (GynŽcologue Ð H™pital Saint Antoine Ð Paris)

Dr F. Bellenot (Chirurgien vasculaire Ð H™pital Simone Veil)

SŽance du 7 fŽvrier 2008 ˆ 20 H 15

1.   Introduction

LÕendomŽtriose est dŽfinie par la prŽsence de tissu histologiquement identique ˆ lÕendomtre (stroma et glandes endomŽtriales) en dehors de la cavitŽ utŽrine (notion dÕectopie tissulaire) qui persiste et prolifre, avec aggravation progressive des sympt™mes quÕelle provoque.

Il existe des localisations spŽcifiques de lÕendomŽtriose profonde : la vessie, le cul de sac de Douglas, le rectosigmo•de, le myomtre (adŽnomyose), la cloison recto-vaginale et les ligaments utŽrosacrŽs.

2.   EthiopathogŽnie

Plusieurs hypothses ont ŽtŽ formulŽes.

En 1927, SAMSON Žvoquait une thŽorie de lÕimplantation avec un reflux menstruel de cellules endomŽtriales qui se fixeraient sur le pŽritoine ou sur des organes intrapŽritonŽaux et qui y prolifreraient.

En 1919, MEYER a ŽvoquŽ la notion de mŽtaplasie cÏlomique : les canaux mŸlleriens et le pŽritoine pelvien dŽrivant du mme ŽpithŽlium, lÕendomŽtriose se dŽvelopperait ˆ partir de la mŽtaplasie des cellules du pŽritoine expliquant ainsi les localisations diverses sur le pŽritoine mais aussi plus lointaines comme la plvre et les trs rares cas chez lÕhomme.

 


 


Il existe Žgalement une thŽorie de mŽtastases lymphatiques et vasculaires qui expliquerait les localisations trs ŽloignŽes (muscle, cerveau, os) et ganglionnaires pelviennes (29 % des cas).

Il semblerait que la physiopathologie de cette maladie soit une combinaison de ces thŽories, et de nombreux travaux de recherche sont en cours pour prŽciser ces hypothses.

3.   EpidŽmiologie

LÕendomŽtriose est une pathologie frŽquente, retrouvŽe globalement chez 5 ˆ 10 % de la population gŽnŽrale (certaines Žtudes vont de 1ˆ 50 %) ; elle reprŽsente un taux dÕabsentŽisme important chez les femmes, crŽant donc un rŽel problme de santŽ publique.

Son diagnostic est difficile, sžrement sous -estimŽ, et il existe un retard au diagnostic important.

Pour cette maladie multifactorielle, environnementale et polygŽnique, on a essayŽ en vain de mettre en Žvidence des facteurs de risque et il se pose aujourdÕhui beaucoup de questions pour peu de rŽponses :

4     lՉge ?

4     lÕethnie ? (une Žtude rŽcemment aurait montrŽ une prŽvalence plus ŽlevŽe chez les femmes asiatiques

4     le niveau socio-Žconomique ŽlevŽ

4     la nulliparitŽ ?

4     les apparentŽes du 1er degrŽ ?

4     la gŽnŽtique ?

4.   Clinique

4.1. Les Ç 5 D È

Classiquement, on retient les 5 D (signes Žvoluant depuis plus de 6 mois), cycliques (2me partie de cycle et pendant les rgles), dÕaggravation progressive.

4     Dyspareunies profondes (SC le + Žvocateur) pouvant Žvoquer Žgalement une adŽnomyose, ou un fibrome ˆ distinguer des dyspareunies superficielles dÕintromission dÕorigine plut™t traumatique, infectieuse (herps, chlamydiaeÉ), dermatologique (lichen chez la femme plus ‰gŽe, atrophie, cancer) ou inexpliquŽe (vulvodynie essentielle dans un contexte psychologique particulier mais diagnostic dՎlimination).

4     DysmŽnorrhŽes de dŽbut de cycle, cessant ˆ J2, retrouvŽes chez 1/3 des femmes souffrant dÕendomŽtriose, secondaires et dÕaggravation progressive.

4     Douleurs pelviennes non pŽriodiques (pouvant Žvoquer Žgalement un cancer gŽnital ou plus rarement un prolapsus ou un utŽrus rŽtroversŽ par des adhŽrences) ˆ distinguer des douleurs pelviennes non gŽnitales : rhumatologiques (pubalgie, douleurs de hanche), urologiques (cystite interstitielle, urŽthrite), digestives (colopathie fonctionnelle), musculaires, dermatologiques (herps, eczŽma, lichen), neurologiques (douleurs neuropathiques des syndromes canalaires)

4     Douleurs ˆ la dŽfŽcation

4     Dysurie

Y penser Žgalement lors de douleurs ovulatoires de milieu de cycle, lors de signes digestifs cycliques (ballonnements) et lors dÕasthŽnie chronique.

Il nÕexiste pas de corrŽlation entre lÕintensitŽ des douleurs et le nombre de lŽsions dÕendomŽtriose. Sont impliquŽs dans les mŽcanismes de la douleur lÕinflammation, lÕinfiltration nerveuse, la fibrose cicatricielle et les adhŽrences. LÕintensitŽ des douleurs est en relation directe avec la profondeur dÕinvasion des lŽsions.

Il sÕagit dÕune maladie hormonodŽpendante ; elle sÕamŽliore lors de la grossesse et ˆ la mŽnopause et les thŽrapeutiques proposŽes recrŽent ces conditions physiologiques (oestroprogestatifs, progestŽrone, agonistes de la Gn-RH)

4.2. LÕexamen clinique

4.2.1. En gŽnŽralÉ

Il peut retrouver :

4     typiquement des nodules vaginaux ou cervicaux bleutŽs

4     un utŽrus rŽtroversŽ et fixŽ par des adhŽrences

4     des ligaments utŽrosacrŽs douloureux

4     des nodules de la cloison rectovaginale

4     une masse ovarienne

4.2.2. Dans le cas de lÕendomŽtriose pŽritonŽale superficielle

On peut constater des lŽsions typiques bleutŽes ou marron foncŽes avec une rŽtraction ou un petit nodule kystique, moins classiquement des lŽsions rouges, blanches ou vŽsiculaires.

4.2.3. Cas particulier de lÕendomŽtriome

Il existe, alors, un gros ovaire (jusquՈ 20 cm de diamtre), gauche le plus souvent, contenant un liquide chocolat, avec une paroi fibrosŽe.

5.   Examens paracliniques

5.1. La biologie

La biologie standard ˆ minima (NFS, CRP) Žlimine les Žtiologies infectieuses.

Le CA125 peut tre normal ou augmentŽ mais reste souvent < 100 ; son ŽlŽvation est assez informative et est corrŽlŽe au volume des endomŽtriomes. Son dosage nÕa nŽanmoins aucune valeur diagnostique ou pronostique.

5.2. LÕimagerie mŽdicale

5.2.1. LÕhystŽrosalpingographie

Elle nÕest plus recommandŽe en premire intention (elle sera rŽalisŽe dans le cadre du bilan dÕinfertilitŽ) ; elle pourra montrer des Ç boules de gui È, des tuba erecta et une rigiditŽ segmentaire tubaire.

5.2.2. LՎchographie pelvienne

Elle sera faite en premire intention et aura une bonne valeur informative pour lÕendomŽtriome .Elle pourra rŽvŽler des kystes (le plus souvent < 5cm mais pouvant en atteindre 20) arrondis ˆ paroi lisse, rŽgulire et souvent Žpaisse et ˆ contenu homogne finement Žchogne. Elle nÕa pas de valeur dans lÕendomŽtriose pŽritonŽale. Cet examen, de faible cožt a une sensibilitŽ de 80 % et une spŽcificitŽ de 90 % ;

5.2.3. LÕIRM pelvienne 

Elle est non invasive sera lÕexamen le plus informatif et le plus complet, ˆ rŽaliser Žgalement en premire intention, avec une grande sensibilitŽ (90 %) mais une spŽcificitŽ de 70 % surtout en prŽsence dÕadhŽrences Elle pourra montrer des implants endomŽtriosiques postŽrieurs et antŽrieurs ainsi que des endomŽtriomes.

5.3. La cÏlioscopie

CÕest lÕexamen de rŽfŽrence car examen ˆ la fois diagnostic et thŽrapeutique.

De faon optimale, elle sera rŽalisŽe en dehors de la phase lutŽale et de la pŽriode des rgles (certains prŽconisaient de la faire 3 mois aprs un traitement hormonal mais aucune donnŽe dans la littŽrature nÕest en faveur de cette pratique (Muzii et al, 1996))

La cÏlioscopie fait un examen complet, Žtablit la classification de lÕAFS (American Fertility Society) et donne lÕhistologie en montrant des lŽsions typiques (corrŽlation avec lÕhistologie de 73 ˆ 93 %) ou atypiques (corrŽlation ave lÕhistologie de 57 %).

6.   Traitement

Selon les recommandations de lÕESHRE en 2005

Arbre dŽcisionnel

6.1. Le traitement mŽdical

6.1.1. En premire intention 

Les AINS : Surgamª, Voltareneª, Antadysª, Apranaxª, ibuprofŽne, Ponstylª ont lÕAMM dans les dysmŽnorrhŽes, ˆ prendre de J-2 ˆ J+2, peuvent avoir une bonne efficacitŽ.

La contraception oestroprogestative, gŽnŽrant un Žtat de È pseudo grossesse Ç  peut se rŽvŽler efficace sur les dysmŽnorrhŽes des endomŽtrioses minimes sans dŽsir de grossesse.

6.1.2. En deuxime intention

Les agonistes de la Gn RH

Le DECAPEPTYL LPª 3/11,5 ou ENANTHONE LPª 3 ,75 /11,25 crŽe une suppression de la sŽcrŽtion pituitaire et gŽnŽrant une mŽnopause artificielle.

Traitement de 6 ˆ 12 mois, mais effets secondaires importants (bouffŽes de chaleur, sŽcheresse vaginale..). Il est recommandŽ dÕy associer un traitement hormonal type estrognes, oestroprogestatifs pour amŽliorer la tolŽrance.

Points forts

-       Efficaces sur la douleur et le score AFSr

-       Prescription au long cours impossible (maximum 6 mois ; 1 an pour la leuprorŽline)

-       Ë associer ˆ une hormonothŽrapie de substitution ˆ partir du 3e mois de traitement

-       Seconde cure, mme ˆ distance, non autorisŽe par lÕAMM

-       IntŽrt en deuxime intention en cas dՎchec des autres thŽrapeutiques (endomŽtriose profonde ?)

-       IntŽrt en prŽopŽratoire pendant 3 mois

Les progestatifs

Le LUTERANª, PRIMOLUT-NORª, ORGAMETRILª, DUPHASTONª, COLPRONEª ont un effet anti-oestrogŽnique direct, anti-gonadotrope en administration prolongŽe, et anti inflammatoire.

Points forts

-       Efficaces quand prescrits en antigonadotrope

-       Cožt faible

-       Peuvent tre donnŽs au long cours si on Žvite les molŽcules androgŽniques

-       Peu dÕeffets secondaires si prŽgnanes ou norprŽgnanes

-       Possible effet sur les mŽtalloprotŽases

Les autres options

Le 17-Žthynil testostŽrone (DANAZOLª) de moins en moins prescrit car de nombreux effets secondaires (hirsutisme É) pouvait faire dispara”tre les implants endomŽtriosiques mais les faisait rŽappara”tre ˆ son arrt.

LÕacŽtate de cyprotŽrone (ANDROCURª) citŽ par le Dr CLEOPHAX est un antigonadotrope efficace sur les douleurs. Cependant, il faut lui associer, ˆ long terme, des Ïstrognes, et il nÕa pas lÕAMM pour cette indication prŽcise.

6.2. Le traitement chirurgical

6.2.1. Les mŽthodes

Il fait appel ˆ la coeliochirurgie (voire la laparotomie si le pelvis est trop Ç blindŽ È). LÕobjectif en est la destruction des lŽsions (exŽrse des nodules, kystectomie, adhŽsiolyseÉ).

6.2.2. Les rŽsultats

Les effets obtenus sur :

4     Les nodules sont souvent incomplets,

4     Les kystes sont bons, mais difficiles

4     Les algies, si lÕexŽrse porte sur des nodules profonds, ils sont bons,

o      Sutton et al, FS 1994 : les douleurs sont amŽliorŽes 1 fois sur 2, 6 mois aprs lÕintervention,

o      Sutton et al, FS, 1997 : elles rŽcidivent dans 73 % des cas 6 ans aprs la chirurgie

4     Les adhŽrences sont bons, mais risque de rŽcidive

4     La fŽconditŽ sont bons (Endocan 1997) et (Marcoux NEJM 1997 o le taux de fŽconditŽ passe de 17 ˆ 30 % aprs chirurgie.

La chirurgie permet dÕobtenir 60 % de grossesse dans les 6 mois et 80 % dans les 12 mois et ce dans les endomŽtrioses minimes ˆ modŽrŽes (pas de donnŽes pour les endomŽtrioses sŽvres).

6.2.3. LÕendomŽtriome

Il est rarement isolŽ et son traitement est ˆ la fois mŽdical et chirurgical (kystectomie intrapŽritonŽale + drainage puis destruction de la paroi). Le risque en est lÕamputation du tissu ovarien et lÕinsuffisance ovarienne prŽmaturŽe.

7.   Quelques cas particuliers

7.1. EndomŽtriose et aide mŽdicale ˆ la procrŽation

Plusieurs possibilitŽs :

7.1.1. InsŽmination intra utŽrine

Elle est possible si les lŽsions sont minimes et/ou modŽrŽes. On y associe une stimulation ovarienne.

Le taux de conception obtenu est de 6 ˆ 10 % ; on rŽalise 3 ˆ 6 cycles avant dÕenvisager la FIV.

7.1.2. FŽcondation In Vitro

Elle permet dÕobtenir un taux de grossesse de 22,5 % (et ce dÕautant que le stade dÕendomŽtriose est modŽrŽ. Elle est proposŽe en premire intention sÕil existe une pathologie tubaire, une azoospermie ou une oligo-astheno-tŽratospermie sŽvre, un ‰ge > 38 ans

Les stimulations de lÕovulation pour les FIV ne semblent pas accŽlŽrer lՎvolution de lÕendomŽtriose.

7.2. EndomŽtriose et cancer

LÕendomŽtriose comme facteur de risque de cancer et la transformation maligne de lÕendomŽtriose sont sujets ˆ controverse ; il semblerait que la cancŽrisation dÕune lŽsion dÕendomŽtriose soit exceptionnelle mais il existe une plus grande frŽquence de cancer du sein et de lymphome en cas dÕendomŽtriose.

NŽanmoins, il nÕy a pas dÕargument ˆ ce jour pour recommander une surveillance ou une prŽvention particulire.

7.3. EndomŽtriose et infertilitŽ

7.3.1 Le contexte

Il existe de nombreuses controverses quant au lien de cause ˆ effet entre endomŽtriose et infertilitŽ. Selon les Žtudes, lÕendomŽtriose est associŽe ˆ lÕinfertilitŽ dans 10 ˆ 50 % des cas.

Le taux de fŽconditŽ mensuelle chez la femme endomŽtriosique varie de 2 ˆ 10 % contre 15 ˆ 20 % dans la population gŽnŽrale (Hugues et al, Fertil Steril 1993) ;

25 ˆ 50 % des femmes infertiles ont une endomŽtriose.

7.3.2. La diminution de la fertilitŽ

Elle peut tre liŽe :

4     A la perturbation mŽcanique de lÕanatomie normale (par la prŽsence dÕadhŽrences pelviennes pouvant perturber de faon mŽcanique lÕovulation et provoquant des anomalies de captation ovocytaire et de transport tubaire).

4     A lÕaltŽration des fonctions pŽritonŽales (augmentation du fluide pŽritonŽal, rŽaction inflammatoire mettant en jeu les macrophages, les VEGF, les interleukines) selon Lebovic et al, Fertil Steril 2001 ;

4     Aux anomalies endocriniennes et ovulatoires (trouble de la folliculogŽnse, maturation folliculaire anormale, pic de LH prŽmaturŽ ou multiple)

4     A la perturbation de lÕimplantation avec altŽration des phŽnomnes dÕadhŽsion du blastocyte sur lÕendomtre (Lessey, J Clin Endo Metab 1994)

8.   Pneumothorax catamŽnial (F. Bellenot)

LÕendomŽtriose thoracique

Elle peut se manifester de plusieurs faons :

-       Un pneumothorax catamŽnial,

-       Un hŽmothorax catamŽnial,

-       Une hŽmoptysie catamŽniale

-       Par des nodules pulmonaires

Le pneumothorax catamŽnial

Dans lÕendomŽtriose thoracique, sa frŽquence est estimŽe entre 5,6 ˆ 25 % selon les Žtudes.

MŽcanismes

Plusieurs mŽcanismes, seuls ou associŽs sont ŽvoquŽs

-       Une rupture de bulles,

-       Un passage dÕair trans-diaphragmatique

-       Un Ç trou È dans la plvre viscŽrale

-       Une rupture alvŽolaire

Diagnostic

Il doit tre ŽvoquŽ devant tout pneumothorax rŽcidivant chez la femme, dans les circonstances suivantes :

-       Sa survenue dans les 72 heures suivant lÕapparition des rgles,

-       SÕil affecte le c™tŽ droit +++

-       LÕaspect per opŽratoire et sur les biopsies

            Biopsies

Traitement

Il consiste en

-       Le drainage, dans tous les cas

-       Une chirurgie endoscopique sous vidŽo qui permet

o      Une rŽsection diaphragmatique

o      Un talcage avec abrasion pleurale (rŽcidive souvent en cas dÕintervention conventionnelle isolŽe)

-       Le traitement hormonal du mme type que celui dŽcrit prŽcŽdemment.

9.   Conclusions

LÕendomŽtriose est une pathologie trs frŽquente, sous-estimŽe, dont la clinique est trs hŽtŽrogne, marquŽe par des douleurs pelviennes et une infertilitŽ. Son traitement en est mŽdical et/ou chirurgical, aidŽ par la PMA sÕil existe un dŽsir de grossesse.