EPU95-Montmorency

Affections Respiratoires & Maladies Allergiques

 Mise à jour du 24 Avril 2007

La Tuberculose en 2006

Pr. Ch. PERRONNE

Unité des Maladies Infectieuses et Tropicales - Hôpital Raymond Poincaré - Garches

Séance du 2 juin 2006

 

1.    Physiopathologie de la tuberculose

1.1. La primo-infection

Elle peut être :

4    Symptomatique

4    Asymptomatique, c’est-à-dire que le diagnostic à partir d’une notion de contage, d’une radiographie pulmonaire ou l’occasion d’un virage d’une IDR à la tuberculine.

1.2. Tuberculose infection

La maladie est latente. Le diagnostic est évoqué sur la notion d’antécédents, la radiographie pulmonaire et une IDR > 5 mm.

Il faut augmenter l’indication des traitements préventifs, en sachant qu’un antécédent lointain de vaccination BCG ne gêne pas l’interprétation de l’IDR à la tuberculine, en attendant le Quantiféron Gold test …

1.3. Tuberculose maladie

Elle se développe dans des proportions variables selon l’âge et le statut immunitaire

4    Chez l’enfant < 1 an :                     43 %

4    Chez l’enfant de 1 à 5 ans :            24 %

4    Plus tard de 11 à 15 ans :              15 %

4    Chez l’adulte :                               6 à 10 %

o        Dans la moitié des cas dans les mois qui suivent le contage

o        Dans l’autre moitié des dans le reste de la vie

Il existe un risque accru en cas d’immunodépression : SIDA +++ et vieillesse.

C’est une maladie à déclaration obligatoire :

4    Le signalement est nominatif, pour enquête et urgent

4    La notification est anonyme

2.    Epidémiologie de la tuberculose maladie

2.1. Dans le Monde

C’est encore l’ennemi public bactérien N°1 avec 9 millions de cas / an et 25 % de mortalité (> 2 millions dont 100 000 enfants)

Il faut souligner que 95 % des cas sont diagnostiqués dans les pays en voie de développement. La tuberculose maladie est à l’origine de 26 % des décès évitables (PVD). Son incidence est toujours en croissance : + 2 % / an. (Dye, Science, 295, 2002)

 

Perspectives mondiales (OMS 2002)

4      Afrique : +10% / an

4      Asie Sud Est : 3,2 millions de cas

4      Europe de l’Est : + 8 % / an

4      Pays développés : - 2 à 3 % / an

 

 

Il faut souligner la très forte augmentation de l’incidence dans l’ensemble des pays de l'ex-URSS. Les taux sont partout supérieurs à 50/100 000.

2.2. La co-infection VIH–TB

C’est la 1ère cause de décès du SIDA (15% dans le monde, 50% en Afrique).

En France, en 2001, la co-infection tuberculose et VIH, c’est :

4      Sérologie VIH connue pour 41% des cas de tuberculose maladie.

4      Proportion VIH+ parmi tous les cas : 5,6% contre 4,7% en 1997.

o        5,2% en Métropole

o        7,5% en Ile de France

o        20,1% dans les DOM

4      Proportion VIH+ parmi les cas renseignés : de 13,9% contre 12,6% en 1997.

2.3. Epidémiologique de la tuberculose en France en 2004

Les chiffres

L’évolution en France métropolitaine entre 1972 et 2004 est représentée par la courbe ci-dessous (incidence pour 100 000 habitants). En 2004, l’incidence est passée sous le seuil de 10/100 000.


 


Le nombre de cas déclarés de tuberculose maladie en 2004 est de 5363 (incidence 9,2/100 000).

Le sexe ratio H/F est de 1,6 (62% d’hommes) et l’âge médian de 42 ans.

Dans 47% des cas il s’agissait de sujets de nationalité étrangère ; 48,3% étaient nés à l’étranger

La vie en collectivité représente un facteur de risque : 14,8% des cas déclarés.

4    Prisons : 52 cas è incidence : 90/100 000

4    SDF : 192 cas è incidence : 220/100 000

Où ?

 

Incidence de la tuberculose

Selon le pays de naissance

Pays industrialisés (2001)

Incidence (taux pour 100 000)

Autochtones

Nés à l’étranger

Hors Ile-de-France

4,5

22,6

Ile-de-France

9,2

68,9

France métropolitaine

5,3

38,2

Angleterre & Pays de Galles

4,4

73,4

Pays-Bas

3,0

135,0

Etats-Unis

3,5

25,8

 

L’incidence dans les différents départements en 2003


 


Présentation de la maladie

 

Présentation

Incidence

Forme pulmonaire

71,5% (isolée ou associée)

       dont 56,1% à examen direct positif

Méningite tuberculeuse

1,5% (80 cas) – 2 cas < 5 ans

Multi - résistance (TB-MR)

DO : 2% (40/2007)

CNR : 1,5% (26/1699)

Antécédents de tuberculose traitée

7,1% (391/5512)

TB-MR

       DO : 32,5% (13/40)

       CNR : 42% (11/26)

 

Présentation de la Tuberculose infection chez l’enfant

Parmi les 452 cas diagnostiqués en 2004 (225 en 2003)

4    57% de garçons

4    Age moyen : 8,1 ans (médiane 9 ans)

4    61% nés en France (65% de nationalité française)

4    80% vaccinés par le BCG

3.    Dépistage de la tuberculose

3.1. Primo-infection tuberculeuse (PIT)

On la recherchera à partir de :

4    La notion de contage ? +++

4    La radio pulmonaire

4    L’IDR à la tuberculine (virage)

4    Le Quantiféron-Gold test qui est un nouveau test en cours de validation.

3.2. Tuberculose – infection

La maladie est latente. Elle sera suspectée à partir de :

4    L’existence d’antécédent de PIT ou de TB-maladie non traitée par anti-TB bactéricides +++

4    La radio pulmonaire, le plus souvent normale, sauf s’il existe un ganglion calcifié ou une image séquellaire des sommets

4    L’IDR à la tuberculine ; s’il existe une immunodépression elle est souvent négative ou a un diamètre diminué (positif si > 5 mm)

4    Le Quantiféron-Gold test, en cours de validation.

3.3. Tuberculose - maladie  

Tuberculose - maladie pulmonaire

C’est la forme active de la maladie. Cliniquement c’est « n’importe quoi ».

Elle apparaît plutôt chez les immigrés mais peut aussi se voir chez « n’importe qui ».

La découverte d’une image à la radio reste fréquente.

En cas d’infection à V.I.H.

Plusieurs situations peuvent se rencontrer.

4    Une tuberculose de réactivation

o        Elle est précoce

o        Elle apparaît vers 350 CD4

4    Tuberculose transmise

o        Les lymphocytes CD4 sont bas

o        C’est soit une transmission nosocomiale soit une transmission communautaire dans les régions hyper-endémiques

4    Possibilité de plusieurs épisodes de tuberculose

o        Il peut s’agir de bacilles différents

o        L’incubation est alors courte.

Pronostic

Non traitée, la mortalité de la TB est de 50 %. Parmi les 50% des survivants, on observe :

4    Une guérison spontanée dans 25 % des cas

4    Une tuberculose chronique dans 25 % des cas.

3.4. Diagnostic rapide

Plusieurs techniques de valeurs inégales on été proposées.

4    La mise en culture avec des automates (Bactec, MGIT) et permettant un antibiogramme direct

4    La P.C.R, moins sensible que la culture, est actuellement très spécifique

4    Les sondes sont très utiles pour l’identification des colonies : M. tuberculosis, M. avium complexe

4.    Traitement standard de la tuberculose pulmonaire

4.1. Chez le sujet immunocompétent

Le traitement est de 6 mois en tout : une quadrithérapie pendant 2 mois suivie d’une bithérapie pendant 4 autres mois.

 

Traitements

M 1

M2

M3

M4

M5

M6

Rifampicine (RMP)*

 

 

 

 

 

 

Isoniazide (INH)

 

 

 

 

 

 

Pyrazinamide (PZA) *

 

 

 

 

 

 

Ethambutol (EMB)

 

 

 

 

 

 

 

(* actifs sur BK intracellulaires « dormants »)

4.2. TB et infection à VIH

Cas usuels

Son traitement ne fait pas l’objet d’un consensus. Dans le cas général, la durée de traitement conseillée est de 9 mois.

Syndrome de restauration immunitaire

Il se caractérise par de la fièvre et parfois une détresse respiratoire. Il est dû à l’afflux des lymphocytes vers les sites infectés par le bacille de Koch.

Dans ce cas, il faut traiter la TB pendant quelques semaines avant d’introduire les antirétroviraux (ARV). Dans les formes sévères, il faut utiliser les corticoïdes.

4.3. Poursuivre le traitement antituberculeux au-delà de 6 mois…

Une prolongation du traitement au-delà de six mois se discute dans les situations suivantes :

4    L’absence de pyrazinamide en raison notamment d’une intolérance hépatique

4    Une tuberculose osseuse ou neuro-méningée

4    Une résistance

4    Une intolérance

4    Une mauvaise observance

4.4. Le problème de l’observance

Il est majeur dans ce type de traitement, d’où l’intérêt pour les associations fixes

4    RIFATERâ : rifampicine (120 mg) + isoniazide (50 mg) + pyrazinamide (300 mg) è 1 cp/12 kg/j

4    RIFINAH â : rifampicine (  300 mg) + isoniazide (150 mg) è 2 cp/j (> 50 kg)

4    RIMSTARâ : rifampicine + isoniazide + pyrazinamide + ethambutol è non encore commercialisé en France

4.5. La surveillance du traitement

Elle est systématique et doit comprendre, tous les mois, les examens suivants :

4    Un bilan hépatique +++

4    Un FO + Vision des couleurs (ethambutol)

4    Une NFS

4.6. Effets secondaires des anti-tuberculeux

Quels sont-ils ?

Ils sont assez nombreux (Patel et al, Drug Safety, 1995)

4    Allergie (fièvre, éruption, Stevens Johnson) : RMP, PZA, INH

4    Hépatite : INH, RMP, (en association, PZA (risque létal)

4    Névrite optique : EMB

4    Hyperuricémie : PZA

La tolérance hépatique mérite une surveillance toute particulière

4    La rifampicine a un fort effet inducteur sur le CYP450

4    La dose d’isoniazide doit rester à 4 mg/kg/j, si associé

4    Le pyrazinamide peut entraîner des hépatites fulminantes mortelles. La dose usuelle est de 20 mg/kg/j et ne doit pas dépasser 30 mg/kg/j.

Les interactions médicamenteuses

C’est surtout avec la rifampicine que le problème se pose. Elles sont nombreuses et peuvent être profondes, comme par exemple avec :

4    Les antifungiques

o        Ketoconazole ++++

o        Voriconazole ++++

o        Itraconazole +++

o        Fluconazole ++

4    Les corticoïdes

4    La ciclosporine

4    Les AVK

4    Les oestroprogestatifs, dans ce cas quelle contraception ?

o        Un stérilet est la meilleure option,

o        Une pilule fortement dosée avec l’utilisation de préservatifs, en cas de refus ou de contre indication.

4    Interactions entre anti-tuberculeux et antirétroviraux

o        Surtout avec la rifampicine +++

o        Demander l’avis d’un spécialiste

o        Dosages complexes

5.    Quand faut-il craindre une TB multirésistante ?

5.1. Définition

Une tuberculose multirésistante est définie par une résistance simultanée à au moins l’isoniazide et la rifampicine.

La multirésistance du bacille de Koch est une création de l’homme et est secondaire à des monothérapies intempestives, souvent conséquence d’une mauvaise prise en charge :

4    Rupture de stock

4    Mauvaise observance

4    Combinaison inappropriée

5.2. La TB multirésistante en France

Les données publiées, à partir de données avec cultures positives sont présentées dans le tableau ci-dessous.

 

 

1992

1994

1997

2000

2002

2004

Nombre

48 / 8.441

58 / 7.751

26 / 5.917

51 / 5.569

79 / 5.609

40 / 2.007

pourcentage

0,6%

0,7%

0,4%

0,9%

1,4%

2%

 

5.3 Diagnostic rapide de la résistance

Pour la rifampicine il existe des kits (Innolipa™) avec une sensibilité de 80%.

5.4. Conduite à tenir

Devant un cas suspect ou confirmé de multirésistance, il ne faut pas l’aggraver !

4    Isoler le patient +++

4    Ne jamais ajouter un seul antituberculeux +++

5.5. Traitement

Il doit comporter au moins 3 antibiotiques actifs sur une durée de plus de 18 mois, en incluant, si possible :

4    Une fluoroquinolone : lévofloxacine (Tavanic™) ; moxifloxacine +++ (Izilox™)

4    Parfois d’autres antibiotiques tels que : aminoside (strepto, amika), capréomycine, éthionamide, cyclosérine, PAS, thiacétazone , linézolide (Zyvoxid™)

6.    Indications du traitement de la tuberculose - infection

6.1. Chez l’enfant

Tout enfant ou adolescent au contact d’un tuberculeux bacillifère doit bénéficier d’un traitement préventif systématique, même s’il a été vacciné avec le BCG. Le traitement doit être curatif si primo-infection symptomatique.

6.2. Chez les adultes

Le traitement s’impose en cas d’immunodépression. Il peut s’agir d’une corticothérapie, d’une chimio, d’une greffe, d’une infection à VIH, des traitements par anticorps monoclonaux contre le TNF, etc.

Lorsque le patient vient d’un pays de forte endémie.

Dans le cas

4    D’une IDR tuberculine ³ 5 mm

4    D’antécédent de primo-infection ou de tuberculose active non ou insuffisamment traitée

6.3. Schémas validés de traitement de la tuberculose - infection

4    Isoniazide x 6 à 9 mois

4    Isoniazide + Rifampicine x 3 mois

4    Rifampicine + pyrazinamide x 2 mois (non recommandé en 1ère ligne car potentiellement hépatotoxique)

7.    Le débat autour de la vaccination par le B.C.G.

7.7. Les faits

Le BCG apporte une forte protection des enfants contre les formes disséminées sévères de tuberculose, comme la méningite, la miliaire. Le taux de protection est de 80 %.

La protection modérée contre la tuberculose pulmonaire est moindre, de l’ordre de 50 %.

La vaccination par le BCG n’a pas d’intérêt chez l’adulte, d’où l’abandon des IDR à la tuberculine post-vaccination et la suppression de la revaccination en 2004.

7.8. Vaccination par le BCG

Il est uniquement par voie strictement intradermique.

Elle reste obligatoire en France, dans les cas suivants

4    Avant l’entrée en collectivité (au plus tard à 6 ans)

4    A la naissance si milieu familial à risque

Chez les nourrissons

4    IDR à la tuberculine avant (sauf de la naissance à 3 mois)

4    Volume : 0,05 ml en ID (0,1 ml pour les enfants)

4    Seringue : 1 ml

4    Aiguille : 26G 3/8 ; 0,45x10

4    Pas d’IDR à la tuberculine après

4    Une suppuration au point d’injection est normale !

8.    Liens Internet utiles

Institut de veille sanitaire : http://www.invs.sante.fr/BEH/

Catalogue et index des sites médicaux francophones « CISMF » (Université de Rouen) : http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/tuberculose.html

Les directives officielles : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/tuberculose/sommaire.htm (les textes officiels sont télédéchargeables)