Infections opportunistes herpsvirus
DĠaprs une confrence de Pr.
Henri AGUT
Service de Virologie, ER1 Universit Pierre et
Marie Curie – Paris 6
Groupe Hospitalier Piti-Salptrire, Paris
La famille des Herpesviridae
comporte prs de 120 herpsvirus. Les 8 herpsvirus strictement humains sont
rpartis dans les 3 sous-familles des Herpesviridae. Elle est ancienne, 300 millions
dĠannes. La phylognie des diffrentes familles est prsente dans le tableau
ci-dessous.
Trois familles et
six genres :
Alphaherpesvirinae
á Le virus de l'herps proprement dit, ou
herpes simplex virus (HSV), de type 1 ou de type 2 (HSV-1 ; HSV-2).
á Le virus de la varicelle et du zona ou
herpesvirus varicell (VZV)
Betaherpesvirinae
á Le cytomgalovirus (CMV)
á Le 6me et 7me herpsvirus
humains (HHV-6, HHV-7)
Gammaherpesvirinae
á Le virus EPSTEIN-BARR ou virus E-B (EBV)
á Le 8me herpsvirus humain
(HHV-8)
Ce sont des virus
ADN de poids molculaire lev (150 230.000 paires de bases), codant une
centaine de protines. Ils possdent une capside icosadrique qui protge le
gnome. Ils ont une enveloppe (peplos),
drive de la membrane nuclaire. Dans le milieu extrieur, les virus pplos ne survivent pas longtemps car
ils vont tre inactivs par la temprature, mme la temprature ordinaire, et
la dessiccation.
Au niveau
molculaire la rplication des Herpesviridae
comporte trois phases :
á Alpha α : Ç trs prcoce È
avec synthse de protines activatrices
á Bta β : Ç prcoce È avec
synthse de protines enzymatiques dont une ADN polymrase virale
á Gamma γ : Ç tardive È avec
synthse des composants protiques de la capside et des glycoprotines
d'enveloppe. La rplication de l'ADN viral spare les phases prcoce et
tardive.
Il est reprsent
par le schma ci-dessous
La rplication de
l'ADN viral, trs diffrent de l'ADN cellulaire, ne peut tre assure par les
enzymes cellulaires. Elle exige la synthse pralable, en phase prcoce, de
l'ADN polymrase virale. Cette enzyme est la cible des antiviraux actuellement
disponibles.
Les HSV et le VZV
ont, de plus, une thymidine kinase virale, le CMV et l'HHV-6 ont une
phosphotransfrase, ces enzymes phosphorylant les nuclosides naturels mais
aussi les nuclosides synthtiques antiviraux, phosphorylation indispensable
leur activit.
Les herpsvirus
sont des virus envelopps. Ils sont fragiles et ne se transmettent que par
contact rapproch. Les diffrents herpsvirus ont un tropisme relativement
spcifique.
á HSV1 et 2 Cellules
cutano-muqueuses, neurones
á VZV Cellules
cutano-muqueuses, neurones, cellules sanguines
á CMV Cellules
pithliales, cellules CD34, leucocytes, cellules endothliales
á EBV Cellules
pithliales, lymphocytes B mmoire
á HHV-6 Lymphocytes
T, monocytes, cellules pithliales et nerveuses
á HHV-7 Lymphocytes
T4, cellules pithliales
á HHV-8 Lymphocytes
B, cellules endothliales
La
primo-infection en gnral prcoce dans la vie. La prvalence en gnral trs
leve dans la population.
LĠinfection
chronique vie est sous forme dite ÇlatenteÈ. Les ractivations sont plus ou
moins frquentes et plus ou moins symptomatiques. Ceci est la rsultante dĠun
quilibre ÇsubtilÈ entre lĠinfection et la rponse immune. De ce fait :
á Les rinfections sont possibles
á Il existe des mcanismes viraux
dĠchappement la rponse immune
á Les infections frquentes et graves en cas
dĠimmunodpression avec :
á Des infections actives et productrices de
particules virales
á Des infections latentes, parfois
tumorignes avec les gammaherpsvirus, dont le HHV-8 qui est trs prvalent
dans les rgions intertropicales.
LĠexemple des
alphaherpsvirus (HSV, VZV) illustre la physiologie gnrale des infections
herptiques. Lors de la primo-infection, lĠinfection touche la peau ou les
muqueuses. Le virus atteint le nerf sensitif et va se loger dans le ganglion
nerveux sensitif. Une fois la gurison clinique observe, il entre en phase de
latence dans le ganglion nerveux sensitif.
Dans des
circonstances variables, il y a raction des formes latentes qui va se traduire
par une migration du virus vers la peau ou les muqueuses redonnant une maladie
clinique.
CĠest la
primo-infection par le VZV (Virus Zona-Varicelle), le contage est direct par
les gouttelettes de salive, la contagiosit dbutant quelques jours avant le
dbut de la maladie et persiste jusquĠ la disparition des lsions croteuses.
Le virus aprs
pntration par la muqueuse des voies ariennes suprieures et lĠoropharynx, se
multiplie dans les ganglions lymphatiques rgionaux et les cellules du systme
rticulo-endothlial, puis il atteint la peau et les muqueuses provoquant les
lsions cliniques.
Puis il gagne les
ganglions sensitifs par voie hmatogne ou neurogne, o il persiste latent.
CĠest
lĠexpression clinique de la ractivation du VZV, favorise par lĠge ou
lĠimmunodpression (infection par le VIH, maladie de Hodgkin, lymphome,
traitement immunodpresseur).
Le virus migre
alors des ganglions sensitifs, le long des fibres sensitives jusquĠ la peau.
Le pouvoir pathogne sĠexprime par une primo-infection, souvent asymptomatique qui peut, ou ne pas tre
suivie de rcurrences intervalles variables.
á HSV Herps
cutano-muqueux (oral, gnital, oculaire)
á VZV Varicelle, zona (rcurrence)
á CMV Fivre,
syndrome mononuclosique
á EBV Mononuclose
infectieuse
á HHV-6 Exanthme
subit (rosole infantile)
á HHV-8 Probablement
un syndrome mononuclosique, suivi de rcurrences sous forme de prolifrations lymphodes, parfois malignes (lymphomes)
Le pouvoir pathogne se caractrise, dans ce cas,
par une primo-infection plus bruyante qui peut
tre suivie de rcurrences intervalle variable ou
de prolifrations malignes pour les gammaherpsvirus.
á HSV Herps
cutano-muqueux extensif
á VZV Varicelle
maligne, rcurrence en zona pouvant tre multimtamrique
á CMV Fivre,
leucopnie, maladie CMV avec atteinte dĠorganes : pneumonie, rtinite,
encphalite, colite, hpatiteÉ que lĠon voyait avant la trithrapie dans le SIDA et qui maintenant est
plutt une complication des greffes dĠorganes
á EBV Syndromes
lymphoprolifratifs,
lymphomes, maladie de Hodgkin
á HHV-6 Encphalite,
hpatite
á HHV-8 Maladie de
Kaposi, lymphome des sreuses
HSV Immunocomptent |
HSV Immunodprim |
|
|
Rtinite CMV |
VZV Zona |
|
|
L'EBV est un Herpesviridae
dcouvert dans une tumeur par EPSTEIN et BARR en 1964.
Le virus
intervient comme cofacteur dans les tumeurs de Burkitt, dans certains cancers
du nasopharynx. Il a galement t incrimin dans le syndrome de fatigue
chronique.
La transmission
est essentiellement salivaire (exceptionnellement sanguine), puis le virus
reste latent dans les lymphocytes B du sang circulant. Environ 80 % des adultes
possdent des anticorps anti-EBV.
LorsquĠelle survient tardivement chez l'adulte, elle donne dans 50 %
des cas une mononuclose infectieuse.
Dans l'immense majorit des primo-infections EBV se font tt dans l'enfance,
et cela sans maladie apparente. Elle confre une immunit solide.
Il nĠy a pas de
rcurrence symptomatique chez les sujets sains.
A la phase aigu
de primo-infection, le cycle de rplication du virus EBV dans le lymphocyte B
est schmatis dans la figure ci-dessous
A la phase de
latence, 9 gnes (EBNA1, LMP1 et LMP-2, LP, ENBA2, 3B et 3C)
de latence sont exprims qui aboutissent quatre niveaux de latence, de 0
III.
Chez le patient
immunocomptent, les 4 niveaux de latence sont contrls dans les organes
lymphodes.
Chez le malade
immunodprim, un dfaut de contrle des gnes de latence aboutit des
prolifrations malignes de type B
á Lymphome de Burkitt, chez lĠenfant, en
Afrique, essentiellement
á Carcinome nasopharyng, en Asie et dans
les populations du pourtour mditerranen
á Lymphomes agressifs, dans le SIDA ou au
dcours des transplantations
Ceci est illustr
dans le diagramme ci-dessous.
A noter que les
adnopathies et le syndrome mononuclosique sont interprts comme une raction
immunitaire cellulaire, des lymphocytes T CD8+, visant les
lymphocytes B infects par le virus.
Il existe deux
mthodes diagnostiques
Il fait appel
la mise en vidence des anticorps spcifiques et de leur cintique au cours du
temps. CĠest la srologie. Les tests immuno-enzymatiques permettant de mesurer
les taux dĠIgG et dĠIgM.
A titre
dĠexemple, le diagnostic srologique de la mononuclose infectieuse peut faire
appel au MNI test qui est spcifique mais peu sensible ; environ 20 % des
MNI ne sont pas dtectes. A lĠoppos, le suivi des taux dĠanticorps viraux est
plus prcis
á A la phase dĠincubation, lvation des
anti-VCA IgG
á A la phase aigu, plateau des IgG
anti-VCA, lvation des IgM anti-VCA (et des anti-EA)
á A la phase de convalescence : plateau
des IgG anti-VCA, dcroissance des IgM anti-VCA et disparition des anti-EA
á A la phase rsiduelle : persistance
des anti-EBNA et prsence des IgG anti-VCA
Le diagnostic
immunologique nĠest fiable quĠen cas dĠun systme immunitaire effectif. Il
devient inoprant en cas dĠimmunodpression.
CĠest la mise en
vidence du virus ou des composants viraux. Quatre mthodes peuvent tre
utilises :
á La visualisation des particules virales en
microscopie lectronique,
á LĠisolement viral partir de cultures
cellulaires de fibroblastes humains
á La dtection dĠantignes viraux, comme par
exemple lĠantigne pp65 du CMV dans les leucocytes
á La dtection et la quantification de la
quantit de gnome viral (ADN ou ARN) par les techniques de PCR quantitative en
temps rel. Ces mthodes ont lĠavantage dĠtre automatises, dĠtre sensibles
et rapides avec un moindre risque de contamination.
La
primo-infection a rarement une expression clinique, et 50 80 % des adultes de
40 ans ont des anticorps anti-CMV.
La transmission est
exclusivement interhumaine, lĠhomme tant le seul rservoir. Elle se fait par
voie respiratoire, salivaire, urinaire, parfois sexuelle ou par le lait. Les
transfusions massives de sang frais (circulation extracorporelle) ou les
greffes peuvent galement tre responsables.
Chez les femmes
enceintes, le risque de transmission est de 0,5 1,5 % soit par voie
hmatogne transplacentaire, soit par contact avec lĠexsudat cervical lors du
passage de la filire.
Le diagnostic de
primo-infection fait appel :
á Une valuation de la virmie (antignmie,
ADNmie), virurie dans certains cas
á La sroconversion, IgM et la mesure de
lĠavidit des anticorps
Le diagnostic
dĠune infection chronique ancienne repose sur la srologie.
Le diagnostic
dĠune infection aigu est bas sur la mesure de la virmie (antignmie,
ADNmie)
Le diagnostic
dĠune infection congnitale est bas sur la PCR sur liquide amniotique.
Dans le cas
particulier du diagnostic dĠune maladie CMV, elle fait appel deux
approches :
á La mesure de la virmie (antignmie,
ADNmie)
á La dtection du virus dans lĠorgane cible
(ex : PCR sur LCR, LBA)
Elle peut tre
ralise aujourdĠhui grce un vaccin attnu, le vaccin OKA (VZV).
Des vaccins
subunitaires partir de gp recombinantes sont en cours de mise au point.
LĠimmunothrapie
est une approche sduisante mais qui reste dfinir : vaccins
thrapeutiques, thrapie cellulaire, base de cellules dendritiques ou
utilisation de cytokines.
Ce sont des
mdicaments qui inhibent lĠADN polymrase.
Les mcanismes de
rsistance sont lis des mutations des virus affectant la polymrase, la
thymidine kinase pour lĠHSV ou le VZV ou la protine kinase pour le CMV et lĠHHV6.
Ces mutations affectent les mcanismes de phosphorylisation. Ils vont de pair
avec une altration du contrle immunitaire.
CĠest la molcule
de base antiherptique active par voie orale. Elle possde une activit
trs importante contre HSV-1, HSV-2, VZV mais trs modeste contre le CMV. Sa biodisponibibilit orale faible ce qui a conduit au dveloppement du valaciclovir, beaucoup plus
bio-disponible
Ils sont tous administres par voie parentrale uniquement. Il sĠagit du ganciclovir, du cidofovir
et du foscarnet. A lĠoppos, valganciclovir qui est un pro-mdicament est administrable per os.
Le spectre
dĠactivit des principales molcules est prsent dans le tableau ci-dessous.
Molcule |
HSV |
VZV |
CMV |
HHV-6 |
Aciclovir |
+ |
+ |
(+) |
- |
Ganciclovir |
- |
- |
+ |
+ |
Cidofovir |
(+) |
- |
+ |
+ |
Foscarnet |
(+) |
(+) |
+ |
+ |
á Penciclovir (promdicament : famciclovir)
(PCV): administration per os ;
spectre : HSV, VZV
á Vidarabine (Ara-A): administration
parentrale ; spectre : HSV, VZV
á Brivudine (BVDU): administration per os pour le VZV
á Idoxuridine (IDU): administration locale
pour lĠHSV
á Trifluridine (TFT) : administration locale
pour lĠHSV
á Adfovir (PMEA) : administration per
os et une molcule active
(en thorie) contre tous les herpsvirus
á Fomivirsen: administration locale pour le
CMV
Son objectif est
le traitement de la maladie dans le cas dĠune infection active diagnostique et
de lĠatteinte dĠun organe ou dĠun tissu.
LĠvolution est
spontanment favorable. Elle
ncessite hydratation rgulire par voie orale (hospitalisation pour une
voie intraveineuse dans de rares cas), bains de bouche avec aspirine et eau
bicarbonate, aliments froids et semi-liquides.
Utilisation de lĠaciclovir
ou du valaciclovir
Il constitue une
contre-indication absolue la corticothrapie et aux anesthsiques locaux et
ncessite un avis ophtalmologique.
Il peut tre
trait par lĠaciclovir en pommade ophtalmique raison de 5 applications par
jour sous pansement occlusif, pendant 5 10 jours.
Une kratite
profonde ncessite un traitement par lĠaciclovir par voie intraveineuse.
CĠest une urgence
thrapeutique.
On doit avoir
recours lĠaciclovir par voie intraveineuse.
Il est mis en
Ïuvre avant que toute infection
active ne soit diagnostique. Il sĠapplique dans la prvention de lĠinfection
active : primo-infection, ractivation ou rinfection.
Il peut tre
propos en cas de plus de 6 rcurrences annuelles (AMM) dĠherps gnital ou cutano-muqueux. Il
supprime les pousses dĠherps ou rduit trs nettement leur frquence pendant
la dure du traitement, mais ne permet pas dĠradiquer le virus. Ce traitement
utilise lĠaciclovir ou le valaciclovir.
CĠest le
traitement de lĠinfection active diagnostique pour prvenir la maladie. CĠest
le cas dans lĠinfection CMV au dcours des greffes dĠorganes ou de moelle
osseuse.
Les infections
herptiques sont frquentes et chroniques mais bien tolres en gnral chez
les sujets immunocomptents
Les infections
opportunistes sont potentiellement
graves chez les sujets immunodprims
Les techniques
virologiques molculaires actuelles sont performantes pour :
á Le diagnostic des infections
á La quantification des charges virales
á Les tests de sensibilit aux antiviraux
La chimiothrapie
antiherptique est active mais lĠarsenal est limit en nombre de molcules et
en efficacit
Il est ncessaire
de grer lĠmergence de la rsistance en :
á Interprtant et prdisant les profils de
rsistance
á
Comprenant
mieux la relation avec lĠimmunodpression
Source : http://www.chups.jussieu.fr/polys/viro/poly/index.html