EPU95 – Montmorency

Psychiatrie

Mise à jour du 10 Juin 2007

 

«Les agitations »

Dr Stéphane MOUCHABAC

Psychiatre du CHU Saint Antoine – Paris

Formation du 6 juin 2007

 

1.    C’est une urgence…

1.1. Une définition singulière…

Du fait qu'elle ne relève pas d'une atteinte lésionnelle évolutive mais d'un processus morbide qui englobe également des ruptures de l'équilibre personnel, familial et social, constituant une situation de crise, la notion d'urgence prend en psychiatrie une dimension particulière.

Elle peut être définie comme le début rapide de troubles aigus et graves qui nécessitent toujours d'établir un diagnostic immédiat et d'entreprendre ou de proposer une solution thérapeutique

1.2. Une situation de crise…

Il s'agit de sujets qui fonctionnaient bien jusqu'alors et supportaient bien des situations éprouvantes et cessent brusquement de le faire pour des raisons diverses (sociales, conjugales, événement extérieur déstabilisant comme le passage d'un examen ou un licenciement…) et souvent difficiles à mettre en évidence, compte tenu du climat de tension, d'agitation dans lequel elles se développent.

Il y a donc rupture transitoire d'un équilibre jusque là satisfaisant.

1.3. La chronologie d’une crise

Le diagnostic

Elle se définit comme l'augmentation pathologique de l'activité motrice. Tous les degrés peuvent se rencontrer, depuis l'agitation modérée jusqu'à la fureur. C'est l'expression motrice de l'excitation psychique, les comportements se succèdent sans but ni résultat.

 


 


Le tableau clinique est dominé par le désordre, l'ébauche d'actions aussitôt abandonnées pour d'autres et souvent une tendance à l'agressivité ou à la violence. L'étiologie d'un état d'agitation peut être organique, psychiatrique ou d'origine toxique.

Il faut agir…………………………

1.4. La pathogénie

La voie mésolimbique est en cause :

  • Hyperactivité è excès de fonctions normales
  • Production des symptômes positifs è délire, hallucination, communication
  • Anomalies comportementales è agressivité, hostilité.

1.5. Les étiologies

  • Psychiatriques :
    • Accès maniaque, bouffée délirante aiguë, schizophrénie, délires paranoïaques chroniques, personnalités anti-sociales et borderline, avec intolérance à la frustration
    • Chez les sujets âgés : syndrome confusionnel, états délirants, syndromes démentiels, situations de catastrophes et anxiogènes
  • Organiques :
    • Hypoxie, hypercapnie, troubles hydro électrolytiques,
    • Troubles endocriniens: hypoglycémie, hyperthyroïdie
    • Epilepsie, méningites, AVC…..
    • Globe vésical, fécalome, douleur….
  • Toxiques
    • Alcool è importance des syndromes de sevrage,
    • Iatrogénie (traitement du patient),
    • Utilisation de stupéfiants (amphétamines, LSD, cocaïne, crack, phéncyclidine, haschich)

2.    Conduite à tenir

2.1. Évaluation de la dangerosité d'un patient

Les troubles suivants sont à évaluer avant toute décision :

  • Trouble de l’humeur
    • Mélancolie : suicide altruiste
    • Manie : impulsivité, si symptômes délirants, alcoolisation.
  • Personnalité pathologique : psychopathes
  • Délire paranoïaque avec persécuteur désigné
  • Schizophrénie: surtout si délire et injonctions hallucinatoires
  • Prise de toxiques

2.2. Priorités en terme de sécurité

Vis-à-vis du sujet, il est impératif de :

  • Prévenir les actes auto agressifs.
  • Stopper une « spirale » d’aggravation.
  • Pouvoir évaluer cliniquement la situation.

Par rapport à l’environnement, il est important de :

  • Protéger l’entourage.
  • Réduire l’impact de la crise au niveau socioprofessionnel.
  • Reconnaître la limite d’une institution.

2.3. Agitation dans un contexte d’addictologie

L’addiction

C’est un facteur de risque. Elle peut, aussi être le vecteur de demandes masquées, comme :

  • La recherche d’une protection
  • L’usage illicite de prescriptions…

Il est important de se rappeler que la prise en charge bio-psycho-sociale a ses propres limites, en particulier l’échec du « non programmé ». Il faut donc savoir différer !

L’usage de substances psycho actives

C’est un facteur aggravant comme le montre le tableau ci-dessous qui rapporte une étude Brady et al, 1995

 

Pathologie

Fréquence

Odd Ratio

Aggravation du risque

Tout Trouble de l’humeur

32 %

2,6

Tout Tr. Bipolaire      

Bipolaire I  

Bipolaire II         

56 %

61 %

48 %

6,6

7,9

4,7

Dépression Unipolaire

Dysthymie

27 %

31 %

1,9

2,4

                                                                      

Impact de l’humeur sur la prise de substance

Un état maniaque ou hypomaniaque augmente le risque. Il est caractérisé par

  • Une euphorie, une mégalomanie, une excitation
  • Des conduites à risque, un sentiment d’invincibilité, une assurance pathologique
  • Une désorganisation

A l’opposé, un état dépressif, diminue le risque et se traduira par :

  • Une distorsion cognitive
  • Des affects dépressifs
  • Un pessimisme, un sentiment d’incurabilité
  • Une perte de l’élan vital
  • Un désespoir, …

Répercussions de la co-morbidité

Trois impacts majeurs

  • Une aggravation clinique : cycles rapides, effet dépressogène ou maniacogène, états mixtes
  • Une résistance aux traitements habituels, interactions médicamenteuses, potentialisation des effets neurologiques
  • Un risque suicidaire augmenté, lié à une désinhibition.

3.    Des facettes différentes : cas particulier de la schizophrénie

3.1. Epidémiologie

La prévalence d’abus de substance est élevée chez les schizophrènes. L’ordre habituel est : alcool > cannabis > autres (tabac exclu)

L’usage de cannabis est retrouvé dans 23% des cas, soit environ deux fois plus que dans la population générale. Dans ce cas, le risque de développer une dépendance au cannabis chez le schizophrène est multiplié par 6.

Dixon, L. (1999). Dual diagnosis of substance abuse in schizophrenia: prevalence and impact on outcomes. Schizophr Res, 35 (suppl.), S93-100.

Regier DA Comorbidity of mental disorders with alcohol and other drug abuse. Results from the Epidemiologic Catchment Area (ECA) Study. JAMA. 1990 Nov 21;264(19):2511-8.

Arseneault L, Causal association between cannabis and psychosis: examination of the evidence.Br J Psychiatry. 2004 Feb;184:110-7.

3.2. Effet clinique

On observe alors le tableau clinique suivants :

  • Des troubles cognitifs (avec effet dose) : apprentissage, encodage, rappel.
  • Une augmentation de la symptomatologie positive, négative et générale de la schizophrénie.
  • Une altération des perceptions.
  • Des troubles de la vigilance

 

D'Souza DC Delta-9-tetrahydrocannabinol effects in schizophrenia: implications for cognition, psychosis, and addiction.Biol Psychiatry. 2005 Mar 15;57(6):594-608.

Green et al , First episode schizophrenia-related psychosis and substance use disorders: acute response to olanzapine and haloperidol . Schizophr Res. 2004 Feb 1;66(2-3):125-35.

4.    Aspect décisionnel

4.1. Les étapes

Les étapes suivantes sont à respecter :

  • Une analyse de la situation : explorer le contexte, évaluer le niveau dysfonctionnel
  • Un essai de compréhension de la crise : explorer les enjeux, évaluer la crise, élaborer des stratégies
  • De projeter des scénarios évolutifs : possibilités de résolution, options stratégiques

Analyser la situation de crise

  • Aspect descriptif de la situation
  • Recueil des éléments (plusieurs sources, si possible).
  • Retracer une chronologie et repérer le point de rupture.
  • Quantification du dysfonctionnement actuel (impact, niveau de plainte et de souffrance…)

Comprendre la situation de crise

  • Aspect plus inférentiel.
  • Pouvoir se représenter le sujet « antérieur » (fonctionnement, personnalité, histoire personnelle)
  • Rechercher les facteurs de crise
  • Paradoxe des événements de vie
  • Aspects traumatiques et conflictuels
  • Enjeux, aspects dynamiques, homéostasie.

Élaborer des stratégies

  • Évaluation des scénarios évolutifs :
    • Risque immédiat : nature, référence aux antécédents...
    • Conséquences à moyen et long terme.
  • Éléments en faveur d’une intervention
    • Intérêt ?
    • Règles, et les contraintes.
  • Questionnement
    • Peut-on agir ?
    • Faut-il agir en urgence ?
    • Veut-on agir ?

4.2. Orientation

Elle dépendre des paramètres suivants :

  • Le type de pathologie psychiatrique aiguë
  • Le type de personnalité sous-jacente
  • Le contexte (séparation, licenciement, etc….)
  • La qualité du soutien social
  • Les antécédents psychiatriques
  • La présence ou non d'un suivi psychiatrique

5.    Agitation conduite à tenir

5.1. Le schéma décisionnel

La figure ci-dessous résume la conduite à tenir.

 

 

 

 

5.2. L’hospitalisation à la demande d’un tiers « HDT »

Le cadre légal

L’hospitalisation à la demande d’un tiers est régie par l’Article L. 3212-1 et 3212-3 de la loi du 27 juin 1990 modifiée par l’ordonnance 2000-548 du 22 juin 2000.

Il faut souligner que les hospitalisations sous contrainte ne servent pas à résoudre des problèmes qui ne sont pas en lien avec un trouble psychiatrique.

Enfin, cette démarche s’inscrit dans un cadre juridique strict et que la mesure est réévaluée périodiquement.

Les aspects pratiques de l’HDT

Le législateur a défini une hiérarchie précise des demandeurs qui a des implications immédiates sur la validité de la démarche. Dans l’ordre, on trouve :

1º Le curateur

2º Le conjoint ou la personne justifiant qu'elle vit en concubinage avec le malade ;

3º S'il n'y a pas de conjoint, les ascendants ;

4º S'il n'y a pas d'ascendants, les descendants majeurs ;

5º La personne qui a signé la demande d'admission, à moins qu'un parent, jusqu'au sixième degré inclus, n'ait déclaré s'opposer à ce qu'elle use de cette faculté sans l'assentiment du conseil de famille ;

6º Une personne autorisée à cette fin par le conseil de famille ;

7º La commission mentionnée à l'article L. 3222-5.


Les modalités de l’HDT

Elles sont résumées dans le tableau ci-dessous.

 

 


 

 



Modèle de certificat d’HDT

 


 

 

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