EPU95 –
Montmorency
Psychiatrie
Mise à jour du 24 Avril 2007
Les Nouveaux Antisychotropes
Dr. S.
MOUCHABAC (Psychiatre)
Service
du Pr. FERERRI (CHU Saint Antoine)
Séance
du 2 décembre 2004
1.
Caractéristiques du trouble psychotique
1.1. Epidémiologie
Le trouble psychotique le plus fréquent est
la schizophrénie. Les études épidémiologiques montrent
-
Une prévalence de 1% dans la population générale
-
Une
fréquence un peu plus élevée dans les pays développés (meilleur dépistage,
stress)
-
Un sexe
ratio de 1
-
L’âge d’apparition
se situe le plus fréquemment entre 18
et 30 ans, mais, il peut se révéler à des âges plus extrêmes :
·
Soit très
précocement (VEOS : very early objectifs symptoms)
·
Soit un
peu moins précocement (EOS : early
objectifs symptoms),
·
Soit plus
tardivement après 37 ans)
1.2. Facteurs génétiques possibles
-
Taux de concordance chez les jumeaux monozygotes de
50% non retrouvée chez les hétérozygotes
-
Plusieurs gènes sont vraisemblablement en cause
-
Pénétrance variable du trouble génétique chez les
sujets en présentant.
2.
Dimensions symptomatiques de la schizophrénie
Les symptômes de la schizophrénie peuvent
être regroupés en 4 sous groupes et sont rappelés dans le schéma
suivant :
C’est en agissant sur ces symptômes que
le « bénéfice » lié au traitement psychotrope peut être
évalué. Il peut se situer à 2 niveaux :
-
Bénéfice direct sur la symptomatologie en :
o
Réduisant les effets physiologiques liés aux
différents troubles psychiatriques.
o
Permettant un meilleur contrôle des facteurs de
risques secondaires (tabac, alcool, excès divers).
-
Bénéfice indirect en :
o
Obtenant une meilleure compliance thérapeutique.
3.
Physio & physiopathologie des voies dopaminergiques
Il existe 4 voies dopaminergiques au niveau
du cerveau (schéma ci-dessous) :
-
La voie nigro-striée,
-
La voie mésolimbique,
-
La voie mésocorticale,
-
La voie tubéro-infundibulaire
Ces voies dopaminergiques
n’utilisent pas tout à fait les mêmes médiateurs chimiques d’où les effets
variables de l’effet de la dopamine.
La voie mésolimbique
L’hyperactivité
de cette voie entraîne un excès des fonctions normales et une
production des symptômes positifs : délire, hallucinations, tr.
communication) et de troubles comportementaux (agressivité, hostilité).
La voie mésocorticale
L’hypoactivité
de cette voie chez le schizophrène entraîne un déficit dans les aires
de projection cortico- pariéto-frontales, avec pour corollaire des signes
négatifs : émoussement, anhédonie, alogie, tr. attention) , troubles
cognitifs
La voie nigrostriée
Le déficit de dopamine entraîne les
symptômes extrapyramidaux et son hyperactivité l’apparition de dyskinésies,
de tics, de mouvements hyperkinétiques (aigus et tardifs).
La voie tubéro-infundibulaire
A l’état normal l’action dopaminergique
inhibe la sécrétion de prolactine et son déficit est à l’origine de
galactorrhée, d’aménorrhée, de troubles sexuels.
4.
Problèmes avec les neuroleptiques classiques
Les neuroleptiques classiques ont des
effets secondaires par leurs actions périphériques
·
Action
anticholinergique (sécheresse des muqueuses, constipation, tachycardie,
trouble de l’accommodation et mictionnel, sudation)
·
Action
adrénolytique : hypotension artérielle, impuissance
Ils agissent sur toutes les voies centrales
dopaminergiques de manière majeure
sans nuance
Sur la voie mésolimbique, en freinant la
formation de dopamine ils ont un effet favorable en réduisant la
symptomatologie positive (hallucination, idées délirantes et à un moindre
degré sur la désorganisation de la pensée.
Sur les autres voies, ils ont un effet de
blocage faisant apparaître ou aggravant :
·
Les symptômes négatifs au niveau de la voie
mésocorticale : émoussement affectif, alogie, avolution, anhédonie
·
La dysthymie : trouble de l’estime de soi
(insight), démoralisation, idée suicidaire
·
L’atteinte des fonctions cognitives : trouble
de l’apprentissage, trouble de la mémoire
Le
dilemme dopaminergique provient de ce que l’action de la dopamine a une
action bénéfique uniquement sur les signes positifs de la voie
dopaminergique mésolimbique et au contraire un effet plus ou moins néfaste
sur les fonctions dopaminergiques des trois autres voies.
5.
Les antagonistes de la SÉROTONINE et de la dopamine
Ce sont les neuroleptiques
« atypiques ». Ils sont dérivés des benzamides. En fonctionnement normal :
-
La libération de la dopamine est inhibée par la
sérotonine (5HT2a),
-
MAIS le degré de contrôle est différent selon les
voies.
L’objectif est de profiter de ces
différences
4.1. Les molécules
4.1.1. Amisulpiride (SOLIAN ®)
Il se caractérise par :
-
une affinité sélective sur les récepteurs
dopaminergiques D2 et D3 du système limbique.
-
Absence d’affinité pour
o
Les récepteurs sérotoninergiques
o
D’autres récepteurs de type histaminique,
cholinergique et adrénergique
A fortes doses, elle bloque
préférentiellement les récepteurs D2-D3 du système mésolimbique et peu sur
ceux de la voie négro-striée. (réduit les effets extrapyramidaux)
A faibles doses, elle bloque les récepteurs
présynaptiques D2-D3 ce qui pourrait expliquer son action sur les signes
négatifs.
Posologie
-
Dans les formes à épisodes négatifs prédominants
Les faibles doses de 50 à 300 mg sont préconisées.
-
Dans les formes mixtes, commencer par des doses de
400 à 800 mg pour réduire les symptômes positifs et ensuite l’adapter afin
d’obtenir la dose minimale efficace.
La posologie orale varie de 50 à 1200 mg
par jour.
Par voie intramusculaire ne pas dépasser
400 mg par jour.
4.1.2. Aripripazole (ABILIFY ®)
« Stabilisateur » des systèmes
dopaminergique
Agoniste partiel des récepteurs D2 et 5-HT1
Forte affinité pour les récepteurs D2, D3,
5-HT1A, 5-HT2A ; faible pour les récepteurs D4, alpha1, H1 et nulle
pour le récepteur M1.
Les doses thérapeutiques se situent entre
10 et 30 mg (prise unique). La dose de départ est 10 mg.
4.1.3. Clozapine (LEPONEX ®)
Posologie de 200 à 400 mg
Ayant une action antipsychotique puissante
sur les signes positifs et déficitaires. Elle a une activité modérée sur
les récepteurs dopaminergiques D1, D2, D3
et D5 mais forte sur le récepteur D4. Elle exerce une
activité adrénolytique anticholinergique et antisérotonique. Elle se
caractérise par :
-
une sédation rapide des signes positifs
-
la rareté des effets extra-pyramidaux
-
l’absence d’élévation importante de la
prolactinémie
4.1.4. Rispéridone (RISPERDAL®)
C’est un antagoniste des récepteurs
sérotoninergiques (5HT2a) et dopaminergique D2
La posologie voie orale : 1 à 16 mg par
jour
Constat ampoule : 25 à 50 mg tous les 15
jours
4.1.5. Olanzapine (ZYPREXA ®)
La posologie est de 5 à 20 mg.
4.2. Effets secondaires / efficacité des neuroleptiques atypiques par
rapport aux neuroleptiques classiques
Les effets secondaires sont moins fréquents
avec l’utilisation des antagonistes de la sérotonine et de la dopamine. Ils
sont rappelés dans le tableau ci-dessous
Médicaments
|
Neuroleptiques
Classiques
|
Clozapine
Leponex
®
|
Rispéridone
Risperdal
®
|
Olanzapine
Zyprexa
®
|
Amisulpiride
Solian
®
|
Sédation
|
+ à +++
|
+++
|
+
|
++
|
++
|
S. extra pyramidaux
|
+ à +++
|
0
|
+
|
0 à +
|
0
|
Effets anticholinergiques
|
+ à +++
|
+++
|
0
|
+ à ++
|
0 à +
|
Prise de poids
|
+
|
++++
|
+
|
+++
|
++
|
Hyperprolactinémie
|
+ à ++
|
0
|
+ à ++
|
+/-
|
+
|
Elévation ASAT / ALAT
|
+
|
+
|
0
|
0 à +
|
+
|
Hypotension orthostatique
|
+ à +++
|
+++
|
++
|
+
|
+
|
QT long
|
+/-
|
+
|
0
|
0
|
0
|
Agranulocytose
|
0
|
+++
|
0
|
0
|
0
|
Dyskinésies tardives
|
+++
|
0
|
+ ?
|
+ ?
|
?
|
Efficacité
comparative entre neuroleptiques classiques et neuroleptiques atypiques sur
les signes “positifs” des psychoses
·
Les
neuroleptiques classiques ont un effet assez rapide avec une stagnation en
plateau au bout 4 à 5 mois de traitement.
·
Les
neuroleptiques atypiques ont une action plus lente avec une amélioration à
moyen terme plus satisfaisante
4.2.1. La prise de poids
Des facteurs favorisants :
-
la femme,
-
BMI basse (Pds/m² surf),
-
âge jeune,
-
certaines ethnies,
-
dose et durée du traitement
Surtout en début de traitement (plateau à
42 semaines)
Effet additif avec d’autres psychotropes
(en particulier le valproate)
Elle a un impact sur l’estime de soi, la
compliance au traitement, la qualité de vie, l’activité sexuelle, la
discrimination sociale.
Elle est facteur de l’augmentation de la
morbidité et de la mortalité cardio-vasculaire, de diabète et d’HTA.
La conduite à tenir est identique à toute
surcharge pondérale :
Règles hygiéno-diététiques
-
Diminution des graisses et H de C, augmentation des
protides.
-
Favoriser l’exercice, utiliser des stratégies éducatives
-
Surveillance du BMI, du périmètre ombilical (femme
: 85 cm, homme : 102 cm)
-
Eventuellement changer de neuroleptiques.
4.2.2. Le trouble du métabolisme glucidique
Il s’agit d’un diabète pharmaco-induit :
-
avec baisse de la sensibilité à l’insuline et augmentation
des adipocytes
-
sans prise de poids
-
réversible
-
avec une incidence sur la morbidité cardio-vasculaire
-
souvent sans relation avec la dose.
Incidence des antipsychotiques dans la
survenue du diabète de type 2 :
Molécule
|
%
|
Clozapine
Olanzapine
Haloperidol
Other AP
Rispéridone
Population générale
|
15
11
7
7,30
6
6
|
Pittsburgh Schizophrenia Treatment and Research
CenterZoler, Ganguli, ‘99 Canadian Guidelines on the Treatment of
diabetes 1999
|
Conduite
à tenir :
Monitoring
·
diminution des sucres rapides
·
glycémie (2 par an)
·
HbA1c (1 fois par an)
·
Poids/ BMI (kg/m2),
·
Périmètre ombilical
·
Lipides : HDL/LDL ratio/ triglycérides
Réduction des doses de neuroleptiques
Combinaison des NLP (doses plus basses)
Prise en charge classique du diabète
4.2.3. Les dyslipidémies
Prévention
Optimiser le contrôle du glucose pour
réduire les TG
Contrôle du poids réduit les TG et augmente
le HDL-C
Exercice
4.2.4. La cardiotoxicité des neuroleptiques
Les effets : Blocage des récepteurs myocardiques (Ca, Na, K)
Allongement du QTc
Trouble de la conduction (BDB)
-
Dysfonctionnement du VG
-
Anomalies du nœud sinusal
-
Myocardites
-
Hypotension orthostatique
-
Syndrome polydipsique-hypponatrémie
-
Prise de poids
Les sujets à risque du QTc long
-
Antécédents de pathologie cardiaque
-
QT long congénital
-
Age avancé
-
Sexe féminin
-
La coprescription de médicaments ayant un effet
inhibiteur sur le CYP450 (IA2, 3A4, et 2D6) ou allongeant le QTc
4.2.5. Les autres problèmes
Alcool et toxiques
Comorbidité hépato-rénale (Agelink MW et
al. Am J Psychiatry. 2002 Jun;159(6):1063)
5.
Le réseau
Le médecin généraliste se situe au milieu
entre le patient psychotique et le psychiatre,
Si le psychiatre a à prendre en charge la
maladie psychotique, lle médecin généraliste a sa place auprès de ce
patient dans le cadre :
-
Des maladies somatiques
-
Dans le suivi médicamenteux (compliance, recherche
des effets secondaires)
-
Dans le recueil des symptomes
|