EPU95 –
Montmorency
Psychiatrie
Mise à jour du 24 Avril 2007
L’enfant
hyperactif
Pr. MC. MOUREN
Chef
de service de Psychiatrie Infantile - Hôpital Robert Debré
Séance
du 4 décembre 2003
1.
Introduction
L’hyperactivité est un sujet d’actualité et
du quotidien sans parler de l’écho qu’en font les médias.
C’est un sujet à risque, qui passionne
certains et qui en plonge d’autres dans des états de contestation. Il ne
laisse pas indifférent.
Mon opinion sera nuancée, en ayant
toutefois une « certaine conception de l’hyperactivité », raison
peut-être de mon invitation ce soir.
Un enfant, en rééducation orthophonique,
lors d’une épreuve de vocabulaire à la question : « Quel est le
contraire du mot patient ? », répond : « c’est être
hyperactif ». Les enfants eux-mêmes ont donc, dans le langage courant,
la connaissance de ce trouble et peuvent en donner une définition.
La question est très large, mais je me
contenterai aujourd’hui du problème clinique dans le domaine du devenir. Il
existe aujourd’hui des éléments intéressants sur le plan du devenir de ces
enfants, en particulier le rôle du traitement par les psychostimulants sans
rentrer dans le détail de la prescription des traitements médicamenteux.
2.
Définition
L’enfant hyperactif est un enfant atteint d’un trouble persistant d’inattention,
d’hyperactivité et/ou d’impulsivité
plus fréquent et sévère que celui d’un enfant de développement similaire.
A cette définition, plusieurs notions
importantes doivent être associées :
-
Il s’agit d’un trouble qui a un retentissement (scolaire
ou académique, personnel, familial, social),
-
Il s’agit d’un trouble
« développemental », se modifiant avec l’âge quant à la clinique.
Nous étudierons comment repérer ce trouble
à travers les différents âges de la vie, en fonction d’une séméiologie
développementale adaptée à l’âge.
Nous verrons que l’hyperactivité peut
exister aussi à l’âge préscolaire et également chez l’adolescent où il
représente un problème d’actualité.
Dans ce modèle, l’hyperactivité est sensée
être un trouble permanent de l’enfance à l’âge adulte.
L’hyperactivité soulève un certain nombre
de problèmes que l’on peut aborder par 3 remarques :
1ère remarque
On a l’impression que l’hyperactivité est
un syndrome qui est l’extrême d’un continuum. comprenant à la fois :
-
Une catégorie de forme clinique la plus
invalidante, amenant l’enfant et sa famille à consulter,
-
Une autre catégorie de dimension partielle,
permettant de vivre plus ou moins bien et dans lequel le tableau n’est pas
au complet. Cette dimension partielle ne signifie pas que cette forme soit
sans importance et sans retentissement. On peut en effet n’avoir qu’une
dimension d’un trouble et cependant être gêné. Cela ouvre un très large
débat dans lequel on ne peut pas rentrer ce soir.
2ème remarque
Probablement ce que nous allons appeler
hyperactivité est un trouble hétérogène. Dans le cadre de l’hyperactivité,
il existe des sous-types que nous n’arrivons pas encore à bien cerner et
qui ont peut-être une évolution différente mais aussi un pronostic et une
étiopathogénie différents. On pourrait là se réconcilier entre les tenants
d’un modèle et les tenants d’un autre. L’hyperactivité n’est pas univoque,
mais la clinique est celle que nous faisons évoluer au fur et à mesure des
connaissances et de l’observation.
3ème remarque
L’hyperactivité est un facteur de risque,
de vulnérabilité. Elle est délétère, facilitant l’installation d’autres
troubles (délinquance ou abus de substances). Ce trouble est intéressant
dans son existence même mais également dans son poids sur l’avenir du
sujet, car il peut faciliter l’apparition de complications.
3.
Classifications et épidémiologie
3.1. Classification du Trouble d’hyperactivité avec Déficit de
l’Attention (THDA)
Les classifications de l’OMS et du DCM IV ne sont pas très éloignées l’une de l’autre.
1 - Toutefois, la classification de l’OMS
(ICD 10) est certainement plus restrictive, si bien que, lorsqu’elle a été
employée, les chiffres épidémiologiques ont été trouvés beaucoup plus
faibles.
2 – La classification du DCM IV est plus
large. Cette classification américaine, de 1994, propose déjà des
sous-types et va dans le sens de l’hétérogénéité. Trois sous-types étaient
présupposés qui ont été validés avec l’expérience :
-
Sous-type
« combiné », avec les critères d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité.
-
Sous-type
avec critères d’hyperactivité et
d’impulsivité, instabilité psychomotrice et impulsivité et moins de
trouble d’attention.
-
Sous-type
« inattentif » avec trouble
prédominant de l’attention, moins connue où l’hyperactivité et l’impulsivité
sont moins flagrantes bien qu’existantes.
Ces sous-types sont aujourd’hui considérés
comme utiles et correspondant à une réalité. Même le second sous-type qui
ne paraissait pas très pertinent est actuellement considéré comme une
réalité clinique.
3.2. Epidémiologie
Les résultats épidémiologiques sont
variables selon le type de classification employée :
-
Avec la classification américaine DCM IV, dans la
population générale, la fourchette est de 3 à 5% d’enfants d’âge scolaire,
mais pour certains serait plutôt de 5 à 10%.
-
Avec la classification de l’OMS, la fourchette est
plus faible à 2%. Ce chiffre peut paraître plus raisonnable, mais le nombre
d’enfants atteints de ce trouble est important.
Le sex-ratio montre une prédominance de garçons surtout en
population clinique (9 garçons pour une fille) mais aussi en population
générale (4 garçons pour une fille). Le sous-type imprimerait un sex-ratio
particulier.
-
Le sous-type « combiné » et le sous-type
« hyperactif-impulsif » seraient plus caractéristiques des
garçons.
-
Dans le sous-type « inattentif »
prédominant, les filles seraient plus représentées, bien que les garçons
restent majoritaires.
Actuellement en consultation, on est en
présence de plus en plus de filles ayant une symptomatologie proche de
celle des garçons avec parfois des troubles de l’apprentissage invalidants.
4.
Les tableaux cliniques
4.1. La forme combinée de l’enfant à l’âge de la scolarité primaire
C’est avec elle (6 à 12 ans) où les 3
grands symptômes du trouble sont présents :
4.1.1. L’hyperactivité symptôme
L’enfant est constamment en mouvement. Cela
se traduit :
-
Par une agitation : il bouge sans arrêt
o
même assis, il se tortille, passe sous la chaise,
renverse la chaise, fait tomber des objets
o
debout, il ne marche pas il court, il échappe, il
est toujours devant, souvent imprudent (traversant les rues),
o
cette agitation est la même chez lui et à l’école,
o
Il peut rester calme sur demande mais très peu de
temps
-
Un parler trop fort : l’enfant est bruyant et
ce qu’il dit est souvent en dehors du contexte
o
les parents disent « il parle à tort et à
travers, il dit n’importe quoi, c’est toujours à côté, il passe d’un sujet
à l’autre, il dit ce qui lui passe dans la tête ».
o
en classe, il est très bruyant avec des
commentaires inappropriés ou des bruits incongrus
Tout cela ne passe pas inaperçu à
l’école !
4.1.2. L’impulsivité
Elle s’observe :
-
Lors d’activités
physiques, par exemple au sport ou dans la rue, l’enfant pouvant se
mettre en danger, mais plus encore pendant les temps déstructurés (cour de
récréation, cantine, sortie de l’école), un peu comme si après s’être
contenu un temps il se libérait dans une explosion sans fin.
-
Il peut s’agir d’une impulsivité cognitive :
o
L’enfant ne peut attendre son tour de parole, ou
dans le jeu, il interrompt autrui, impose sa présence.
o
Ainsi apparaît le côté gênant, perturbateur pour
les camarades en particulier qui, souvent au bout d’un certain temps,
l’excluent du groupe parce qu’il n’adopte pas ou ne peut adopter les
règles.
o
Cela se produit également lors de l’éducation
sportive, où il ne peut attendre son tour, ni respecter les règles avec
pour corollaire souvent un renvoi de la part de l’entraîneur. Les parents
disent souvent que leur enfant est bon dans les jeux vidéo. Cela n’est pas
sûr. Des études ont montré que l’enfant n’était pas toujours aussi
performant dans les scores que d’autres enfants moins hyperactifs.
4.1.3. L’inattention
C’est probablement le trouble le plus
résistant à travers les âges de la vie. C’est celui que l’on va retrouver
en premier à l’adolescence, alors que les autres troubles vont devenir
moins flagrants.
-
Les parents et les enseignants décrivent l’enfant
comme un rêveur, la tête dans les étoiles, toujours en train de penser à
autre chose, et qui n’écoute pas.
o
A partir du moment où il n’écoute pas en classe, il
ne prend pas les informations, ce qui entraîne des trous d’information,
alors qu’il n’a pas véritablement de troubles de mémoire.
o
Il n’arrive pas à s’organiser dans les tâches de
travail mais aussi dans les tâches de routine. Il oublie les cahiers, le
manteau, les tickets de cantine. Et les parents disent « il nous coûte
très cher (rachat de trousse, de stylo, de vêtement, …) il faut chercher
les copains pour savoir ce qu’il a à faire car sur le cahier de texte rien
n’est noté ».
o
Ces troubles vont entraîner un véritable handicap.
Les parents disent que les troubles existent depuis le début de la
scolarité, mais a posteriori ils reconnaissent que, au début de la vie
familiale, ces troubles existaient déjà.
-
A la maison, leur comportement incommode plus
ou moins les parents car de toutes façons, il leur est impossible de
s’y opposer : il ouvre la porte, va faire du vélo dans la rue, part se
promener où il veut.
-
A l’école par contre, ouvrir la porte, aller se
promener dans la cour, c’est plus difficile. Le trouble n’est pas créé par
l’école mais il éclate à l’école ; il est révélé à l’école.
-
Plus un enseignant est intolérant et plus le
trouble s’aggrave.
o
Il peut il y avoir une certaine négociation avec
certains enseignants qui utiliseraient l’enfant hyperactif en lui
permettant de bouger (distribuer les cahiers, aller au tableau, chercher
chez la directrice les cahiers d’absence ou les apporter, …).
o
D’autres enseignants n’autorisent pas la moindre
déviance, ce qui peut entraîner le clash et même l’exclusion de l’enfant,
ou en tout cas, à ce que l’enfant finisse par être connoté très
négativement parfois avec ostracisme.
o
C’est souvent lui qui est mis en avant, et pourtant
pas toujours lui le responsable. Il existe un risque qu’il devienne le bouc
émissaire. Souvent actif dans le désordre, mais parfois victime. Victime
quelquefois des autres camarades qui le mettent volontiers en avant.
o
On est loin de la description de certains
journalistes qui considèrent les hyperactifs comme de joyeux lurons, ayant
un sacré caractère, mais heureux, pleins de vie et épanouis. La vérité
n’est pas celle-là : leur vie est marquée à l’école par les notes sur
le carnet, les réprimandes, les retenues ; à la maison, la situation est
assez similaire ; ils souffrent de la mise à l’écart par leurs
camarades, ce qu’ils disent très bien.
4.1.4. Les autres symptômes
Devant ce tableau, il faut insister sur
d’autres symptômes moins connus, mais manquants rarement :
-
Ces enfants sont très difficiles car très intolérants à la frustration, exigeants,
ne se pliant pas aux demandes, ne respectant pas les règles , entêtés,
autoritaires même vis-à-vis de leurs camarades (accélérant le rejet), de
leurs parents ;
-
Il existe une dysrégulation
émotionnelle :
o
Ils peuvent être, à certains moments, proches de
leurs parents, presque adultes, très compréhensifs des soucis de leurs
parents, s’excusant même, donc touchants et empathiques
o
A d’autres moments, ils peuvent être, au contraire,
agressifs, en colère, grossiers.
o
Cette dysrégulation émotionnelle, avec variation
d’un extrême à l’autre dans un espace temps qui peut être court (quelques
minutes). Ce changement de comportement à l’égard de leurs parents, au
cours d’une consultation, peut être parfois constaté.
-
Certains sont marqués
par une certaine froideur, et sont peu empathiques, ayant une
incapacité à se mettre à la place des autres. Ils seraient plus difficiles
à mobiliser que ceux qui sont plus souffrants.
-
La faible
estime de soi est toujours présente et assez facile à mettre en
évidence.
4.1.5. Au cours d’une consultation
L’enfant peut avoir un comportement calme
qui contredit les dires des parents. Il ne faut pas remettre, pour autant,
en cause le diagnostic.
-
Les parents nous apprennent bien des choses et
notamment des éléments cliniques parfois très fins et précis.
-
La symptomatologie de l’hyperactivité est capable
d’augmenter dans certaines circonstances et de diminuer ou même de
disparaître dans d’autres.
-
Chez un enfant on peut avoir une hyperactivité
aggravée si l’enfant est fatigué, dans une situation non structurée, une
situation monotone, si on lui demande un effort trop soutenu.
-
Par contre l’hyperactivité peut diminuer et se voit
moins dans certaines situations : situation nouvelle (la consultation
en est une), récompense prévue au décours de la consultation, situation
duelle assez « cadrante ». En présence du père, en général, cela
se passe aussi un peu mieux.
-
Il faut admettre qu’un enfant n’est pas hyperactif
24h/24 mais peut l’être plus ou moins dans la journée.
4.1.6 Le retentissement de l’hyperactivité
Il se situe à plusieurs niveaux.
Le
retentissement sur le sujet n’est guère discutable :
-
la mauvaise estime de soi,
-
le vécu d’impuissance,
-
la démotivation,
-
la disqualification de la part des camarades (bouc
émissaire),
-
les fluctuations du rendement scolaire (très
souvent échec, redoublement), exclusion du système scolaire.
Le
retentissement se situe également à d’autres niveaux que le sujet lui-même
-
Retentissement sur la famille en situation de vécu
d’impuissance,
-
Connotation assez malveillante du regard de la
société à son égard : « famille de gens mal élevés, famille qui
surveille mal leur enfant » (enfant faisant n’importe quoi, leur
échappant dans la rue, faisant scandale dans les supermarchés, …).
-
La famille finit par avoir des attitudes
incohérentes, mais se dit elle-même être aux prises avec une situation
éducative impossible à gérer.
Retentissement
économique :
-
Certains parents sont obligés de prendre un
mi-temps pour garder l’enfant, car personne n’en veut.
-
l’hyperactivité a un coût au moment de la prise en
charge mais également plus tard au moment de l’adolescence ou à l’âge
adulte lors d’une insertion loin d’être toujours facile. (cf. tableau page
11)
4.2.
Les formes développementales
Dans la littérature anglo-saxonne ou même
européenne du Nord, l’hyperactivité de l’enfant à l’âge de l’école primaire
est bien connue. Les études récentes s’intéressent aux formes plus précoces
et aux formes plus tardives.
4.2.1. L’hyperactivité à un âge préscolaire
L’hyperactivité de la forme
préscolaire (avant 6 ans), en maternelle, a pour caractéristiques :
-
d’être grave avec une sévérité évolutive et une
plus grande résistance, d’où un pronostic défavorable par rapport à celle à
début tardif.
-
de ne pas être transitoire, mais de se poursuivre à
travers les âges de la vie. Cela rejoindrait la notion plus générale,
concernant les formes à début précoce des troubles psychiatriques qui sont
d’autant plus sévères et tenaces qu’ils sont plus précoces.
1. d’avoir
un retentissement particulièrement fort
o
tant sur le plan familial parce qu’elles laissent
les parents « sur les genoux » et fort démunis ;
o
que sur le plan social et préscolaire :
exclusion de la maternelle à temps plein ou partiel, traduisant l’amorce de
rejet social.
La symptomatologie ressemble en gros à
celle de l’hyperactivité plus tardive (enfant impulsif courrant partout,
ayant tendance aux accidents, irritable, opposant, difficile à gérer).
Il existe donc une parenté séméiologique
avec la forme plus tardive, mais avec un risque de continuation à travers
les âges de la vie.
4.2.2. L’hyperactivité de l’adolescent
Dans la forme d’hyperactivité de
l’adolescent, des précisions cliniques restent sans doute à obtenir, car il
existe encore peu de travaux pour cette tranche d’âge.
Toutefois un tableau, sans doute incomplet,
peut servir de repère au clinicien.
2. Il
s’agit d’adolescents ayant une incapacité à rester en place,
3. Ils
ont une difficulté à faire longtemps la même activité. Ils se lassent vite
de ce qu’ils font.
4. parfois
ils ont un sentiment subjectif de nervosité et d’agitation, tel cet
adolescent qui disait lors d’une consultation : « je ne peux pas
rester en place, mais même si je suis bien dans un endroit, il faut que je
m’en aille. Il y a quelque chose qui me pousse à changer d’endroit. Il
parlait des boîtes de nuit qu’il fréquentait. Il disait même quand je suis
dans ma boîte de nuit préférée, il faut que je change de boîte de nuit. Je
trouve cela particulièrement idiot. Je ne vois pas pourquoi je ne suis pas
resté dans la précédente ».
5. Leurs
parents disent qu’ils sont susceptibles, explosifs, irritables,
« soupe au lait »
6. Les
difficultés persistent au niveau attentionnel et de l’impulsivité avec pour
corollaire, au niveau scolaire, une organisation des tâches toujours
déficiente et des motifs d’exclusion du système scolaire quand elle n’a pas
eu lieu auparavant. A cet âge, le rattrapage est beaucoup plus difficile
7. La
démotivation et la mauvaise estime de soi sont toujours présentes
8. Les
conduites à risque sont un peu les marqueurs de l’hyperactivité de
l’adolescent. C’est la recherche du risque pour le risque, de la nouveauté
pour la nouveauté des sensations.
o
Ces adolescents sont des familiers des sports à
risque, des accidents de véhicule. Il existe toute une littérature
concernant des adolescents conduisant sans permis et ayant provoqué de
graves dommages à d’autres.
o
Il existe également des études sur la prise de
risque par l’adolescent hyperactif au niveau sexuel.
o
Tout cela a pour conséquences des blessures graves
que s’infligent ces patients ou qu’ils infligent aux autres (morts
prématurés par accident ou par prise de risque).
o
Cette prise de risque semble correspondre à une
accélération du tableau comme une aggravation devenant dommageable pour autrui
mais aussi pour le sujet lui-même y compris corporellement.
o
L’hyperactivité est un facteur de risque et de
vulnérabilité concernant l’installation de l’abus de substances psycho
actives. L’abus de substance est intriqué à l’hyperactivité de l’adolescent.
Il s’agit là, aujourd’hui, d’un gros problème qui est posé par l’adolescent
hyperactif.
§
Des études longitudinales d’enfants hyperactifs
rapportent les pourcentages d’abus de substances au cours de leur
adolescence :
·
Pour le tabac, 48 % des enfants hyperactifs se
mettraient à fumer dès la fin de l’enfance et deviendraient dépendants à
l’adolescence.
·
Pour l’alcool, ce serait 15 à 50 % d’entre eux,
selon les études,
·
Quant aux drogues en particulier la cocaïne et la
marijuana, 5 à 17 % s’y adonneraient
§
Ces études montrent que :
·
l’hyperactivité ferait consommer plus tôt la 1ère
fois en particulier le tabac dès l’âge de 8-9 ans et qu’ensuite elle
accélèrerait le passage de la consommation à l’abus par rapport à des
non-hyperactifs.
·
l’hyperactivité accélère toutes les étapes du
passage du tabac à l’alcool et aux drogues.
Perturbations comportementales
|
|
Perturbations comportementales
Problèmes académiques
Difficultés avec les interactions
sociales
Faible estime de soi
Consommation de tabac
Problèmes avec la loi
|
|
Echec professionnel
Problèmes relationnels
Faible estime de soi
Blessures / Accidents
Abus de substances
|
Préscolaire
|
Age
scolaire
|
Années
collège
|
Adolescents
|
Adultes
|
|
Perturbations comportementales
Problèmes académiques
Difficultés avec
les interactions sociales
Faible estime de soi
|
|
Echec académique
Difficulté d’orientation
professionnelle
Faible estime de soi
Accidents
Problèmes avec la loi
Abus de substances
|
|
4.3. La comorbidité
Troubles de comorbidité
|
Prévalence estimée (%)
|
Intervalle de confiance (95%) en %
|
Trouble oppositionnel
Troubles des conduites
Troubles anxieux
Troubles dépressifs
|
35,2
25,7
25,8
18,2
|
27,2 – 43,8
12,8 – 41,3
17,6 – 37,3
11,1 – 26,6
|
Chez l’enfant hyperactif, d’autres troubles
s’agrègent ou s’ajoutent à l’hyperactivité comme :
4.3.1. Le trouble des apprentissage
Chez les enfants hyperactifs, à l’âge
scolaire, pour 20 à 85 % d’entre eux, il existe un trouble des
apprentissages (dyslexie, dysorthographie) qu’il faut rechercher par un
examen orthophonique de dépistage. Ce trouble peut en effet passer
inaperçu, toutes les difficultés de l’enfant étant mise sur le compte de
leur hyperactivité. Sa présence justifie une prise en charge éducative
propre en supplément du traitement de l’hyperactivité.
4.3.2. Les éléments de comorbidité
Des troubles dépressifs, ou anxieux, des
troubles des conduites ou des oppositions pathologiques sont parfois des
éléments de comorbidité qui auront un rôle d’aggravation en compliquant le
tableau clinique et la prise en charge.
4.3.3. Les nouvelles entités nosologiques
A côté des 3 sous-types du DCM IV du
tableau d’hyperactivité, une nouvelle hétérogénéité apparaît avec la
comorbidité, celle-ci définissant d’autres sous-types probablement
d’évolution différente tout en étant un facteur aggravant :
9. Les
enfants ayant une hyperactivité et
un trouble des conduites seront peut-être les plus à risque de
délinquance, de marginalité à l’âge adulte.
10. Les enfants ayant
une hyperactivité et des troubles
anxieux posent la question de savoir si les troubles anxieux sont
premiers et si l’hyperactivité n’est qu’un versant de l’anxiété.
11. Les enfants hyperactifs et dépressifs font
penser au risque de l’évolution vers la bipolarité. L’existence de signes
hypomaniaques ne serait-il pas un sous-groupe particulièrement à risque
pour des troubles de l’humeur. Le Pr. Mouren préfère parler d’hyperactivité
plus hypomanie, plutôt que d’hyeractivité ou hypomanie, car chez certains
enfants, on a l’impression qu’il y a les deux types de symptômes à la fois
d’hyperactivité et d’une hypomanie et des épisodes dépressifs que les
parents signalent.
Prévalence des principaux troubles
comorbides chez les enfants hyperactifs
Symptômes
|
Age
préscolaire (4 à 6 ans)
N=165
|
Age
scolaire (7 à 9 ans)
N =
381
|
p
|
N
|
%
|
N
|
%
|
THADA sans comorbidité psych
Troubles disruptifs
troubles des conduites
trouble oppositionnel
Troubles de l’humeur
dysthymie
dépression majeure
trouble
bipolaire
Troubles anxieux multiples
|
42
105
38
103
77
8
69
42
47
|
25
64
23
62
47
5
42
26
28
|
78
227
57
224
190
17
177
69
127
|
20
60
15
59
50
5
47
18
33
|
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
0,05
NS
|
Comorbidité psychiatrique chez des enfants
préscolaires et scolaires adressés pour hyperactivité (d’après Wilens 2002)
4.
Evaluation diagnostique
Il n’y a pas de marqueurs biologiques de
l’hyperactivité. C’est pour cela que certains n’admettent pas la validité
de ce trouble en niant son existence et considérant que le trouble décrit
n’est qu’une construction.
4.1. L’évaluation de l’hyperactivité
Elle est essentiellement clinique, et
repose :
-
sur les informations obtenues des deux parents, du
sujet lui-même et des enseignants. Ceci est assez banal en psychiatrie de
l’enfant.
-
sur l’observation, toujours souhaitable parfois
réalisable, de l’enfant dans son milieu naturel (école) : un membre de
l’équipe ne suivant pas l’enfant en consultation va voir, pendant un jour
ou deux, comment l’enfant se comporte en classe, en récréation ou à la
cantine. Cela a plus d’intérêt que ce qui se passe à l’hôpital, par
exemple.
-
L’évaluation est aidée par des échelles et des
questionnaires :
o
L’échelle de Conners (1973-1978) : avec 48
items pour les parents et 28 items pour les enseignants
o
Le questionnaire d’Achenbach, version parents et
enseignants + auto-évaluation
o
Le questionnaire de Barkley (1990) sur les
situations familiales et scolaires
o
Les tests d’attention et des fonctions exécutives
n’ont pas leur place dans la procédure diagnostique de routine
Ces échelles et
tests permettent de préciser le comportement de l’enfant, mais pas
d’établir le diagnostic. Le diagnostic est fait par le médecin à partir de
l’ensemble des informations recueillies et de sa propre expérience.
4.2. Les troubles associés
Ils sont évalués :
-
A l’aide d’examens complémentaires, à la recherche
de troubles du langage (examen orthophoniste), des possibilités
intellectuelles (QI), du niveau scolaire, …
-
Egalement par l’inventaire clinique de la
comorbidité en tenant compte chez l’adolescent d’un risque plus important
de devenir péjoratif en cas de troubles des conduites antisociales
(menaçant 40 % des adolescents hyperactifs).
L’environnement socio-économique et
familial, lorsqu’il est défavorable, peut être un facteur de risque
supplémentaire de trouble des conduites.
Le début des troubles des conduites est
souvent progressif : un jour, un adolescent commet des vols ce qu’il
ne faisait pas auparavant, puis aggravation des conduites agressives (lors
des bagarres, menaces, dégradation de matériel, racket, ou menaces
sexuelles contre des pairs). Il y a une aggravation manifeste du tableau de
l’enfant que l’on a connu auparavant.
En fin d’adolescence, le trouble des
conduites peut s’atténuer. Aujourd’hui, on n’est pas capable de prévoir
lesquels vont évoluer favorablement et de dire si un traitement a eu un
rôle dans l’amélioration.
5.
Le devenir de l’enfant hyperactif
5.1. L’évolution
Le devenir des enfants hyperactifs est
variable et schématiquement trois évolutions :
-
évolution vers la guérison 20 %
-
évolution vers l’antisocialité 40 %
-
Persistance de l’hyperactivité à l’âge adulte 50 %
Un grand pourcentage des enfants
hyperactifs (50%) reste « hyperactifs » à l’âge adulte.
Un bon nombre des parents des enfants
suivis sont eux-mêmes d’anciens et même d’actuels hyperactifs (soit le père
soit la mère, soit les deux).
-
Ces parents se reconnaissent encore assez gênés,
et/ou avoir été gêné dans leur enfance comme l’est leur enfant.
-
Ils se vivent en miroir des difficultés que connaît
leur enfant et revivent leurs propres difficultés à travers eux (échec
scolaire, parfois leur marginalité sur le plan professionnel).
-
Il existe et ce n’est pas rare une vulnérabilité
chez certaines familles où l’on retrouve les mêmes troubles soit chez des
frères et sœurs, soit chez les parents.
5.2. Quel rapport entre l’hyperactivité, le traitement par
psychostimulant et l’abus de substances ?
Toute une série d’études viennent de
paraître :
5.2.1. La méta-analyse de Wilens (2003)
C’est une étude statistique reprenant 6
études impliquant 1034 jeunes suivis de 4 à 15 ans. Parmi ceux-ci, 674
reçoivent ou avaient reçu des psychostimulants, et 360 n’ont pas été
traités. Les conclusions de cette étude sont les suivantes :
-
la pharmacothérapie de l’hyperactivité
(psychostimulant) n’augmente pas les risques d’abus ultérieur de
substances;
-
les données suggèrent même que le traitement a eu
un effet protecteur sur l’abus de substances (alcool, tabac, et
drogues) ;
-
le traitement psychostimulant paraît réduire de
moitié le risque d’abus de substances dans cette population à risque.
Il reste une inconnue signalée dans
l’étude, car les enfants n’ayant été suivis plus loin que leur
adolescence, il persiste un doute sur le risque d’abus de substances à
l’âge adulte.
5.2.2. L’étude de Manuzza (2003)
43 enfants de 6 à 12 ans avec des
difficultés en lecture sont tirés au sort pour être traité par méthylphénidate
/ placebo pendant 16 à 18 semaines. Réévaluation 16 ans après (âge
moyen : 26 ans) : aucune différence entre les groupes sur l’abus
ou la dépendance vis-à–vis de 7 groupes de substances
6.
Le traitement médicamenteux
La décision de mettre en place un
traitement médicamenteux est fondée sur :
-
L'existence d'un diagnostic bien étayé de trouble
d'hyperactivité avec déficit de l'attention
-
La persistance de symptômes suffisamment sévères
pour entraîner un retentissement fonctionnel important à l'école, en famille
et avec les pairs.
Certains parents et certains patients, tels
les adolescents, peuvent être délibérément opposés à un traitement
médicamenteux ; d'autres
peuvent présenter des contre-indications ou des effets indésirables
gênants lors de la prescription de ces traitements.
C'est pourquoi la décision du clinicien
doit se situer dans une appréciation comparée des bénéfices escomptés de la
médication par rapport à ses risques et à l'évolution du trouble non
traité.
Le traitement médicamenteux ne peut en
aucun cas se substituer aux mesures éducatives indispensables et aux autres
approches thérapeutiques rééducatives ou psychothérapiques (Carey 2000).
6.1. Les psychostimulants
6.1.1. Historique
Bradley en 1937 constate l’amélioration
comportementale chez des enfants traités par une amphétamine (benzédrine).
Depuis, de nombreux travaux ont confirmé l’intérêt des psychostimulants
dans l’hyperactivité : 60 à 75% des patients traités ont été améliorés
alors que seulement 4 à 30% des patients ayant reçu un placebo l’ont été.
Les 4 médicaments étudiés au niveau
international et disponibles aux USA sont : le méthylphénilate
(Ritaline®), la dextroamphétamine (Dexédrine®), l’Aderall® (mélange de
dextro et de lévo-amphétamine), et la pémoline.
6.1.2. Le méthylphénilate (Ritaline®)
En France, la Ritaline® a obtenu l’AMM
pédiatrique pour la seule indication de « Trouble déficitaire de
l’attention avec hyperactivité chez l’enfant de plus de 6 ans sans
limite d’âge».
Ce produit est efficace sur les trois
principaux symptômes (moteurs, social, cognitifs) chez l’enfant et chez
l’adolescent en commençant par l’inattention, mais par contre il l’est
moins chez l’adulte.
-
Au niveau
moteur, l'enfant retrouve un niveau d'activité comparable à celui de
ses pairs. Il est moins bruyant, parle moins et dérange moins la classe.
Son graphisme et son contrôle moteur fin s'améliorent.
-
Au niveau
social, l'enfant acquiert une meilleure habileté dans les relations
sociales, dans les jeux. Sa participation est de meilleure qualité. Il est
moins coléreux, il peut travailler ou jouer d'une manière plus autonome. On
décrit également une réduction de son agressivité physique et verbale avec
les autres enfants, un meilleur contrôle de soi. Les comportements
oppositionnels de défi, de non-obéissance aux adultes, sont réduits, les
interactions mère/enfant et les interactions intra-familiales s'améliorent.
Ainsi les parents et les enseignants se montrent plus positifs envers
l'enfant, moins contraints d'exercer leur vigilance envers l'enfant et par
conséquent, distribuent moins de punitions.
-
Au niveau
cognitif, les études ont montré que l'enfant soutenait davantage son
attention, spécialement dans les tâches "ennuyeuses", qu'il était
moins distrait, que sa mémoire à court terme s'améliorait, de même que son
impulsivité. On a constaté aussi que l'enfant exploitait mieux les
stratégies cognitives qu'il possédait auparavant. Enfin, la qualité du
travail scolaire et la quantité du travail fourni de manière complète (et
non inachevée) augmentaient.
6.2. Les indications des psychostimulants
6.2.1. Sa meilleure indication est l’enfant hyperactif d’âge scolaire
(7-12 ans),
A court terme, 70% des enfants hyperactifs
d’âge scolaires sont améliorés par ce produit sans différence entre les
sexes.
Chez les autres patients, on ne perçoit pas
de changement significatif, ou le traitement doit être arrêté pour effets
indésirables. Dans ces derniers cas, le reste du dispositif thérapeutique
se met en place naturellement (suivi psychologique, thérapie familiale ou
de groupe, …) Par contre quand l’amélioration est bonne, les familles n’ont
pas envie de faire autre chose que le traitement médicamenteux
6.2.2. Les enfants d'âge préscolaire
Quoique le méthylphénidate soit
contre-indiqué en France avant 6 ans, force est de reconnaître que
l'hyperactivité du jeune enfant peut être invalidante et empêcher
l'insertion à l'école maternelle. Or les essais cliniques ont montré que
les effets thérapeutiques du méthylphénidate chez l'enfant d'âge
préscolaire (4-6 ans) sont identiques à ceux observés chez l'enfant plus
âgé : amélioration des capacités d'attention, diminution de l'activité
motrice et de l'impulsivité, amélioration des capacités à effectuer
complètement les tâches et également facilitation des relations parents/enfant
(Musten et coll. 1997). La tolérance est comparable à celle de l'enfant
d'âge scolaire et il est rare que le traitement doive être interrompu en
raison des effets indésirables. Néanmoins, l'étude de Firestone et coll.
(1998) fait état d'effets secondaires plus fréquents (quoique d'intensité
légère) que dans la population d'âge scolaire.
6.2.3. Les adolescents
Les psychostimulants ont sur les symptômes
cognitifs et comportementaux de l'hyperactivité de l'adolescent, une
efficacité comparable à celle des enfants d'âge scolaire. En pratique, les
patients répondeurs durant l'enfance peuvent poursuivre le même traitement
à la puberté s'ils demeurent hyperactifs et les adolescents nouvellement
diagnostiqués bénéficient aussi d'un traitement par psychostimulants. Mais
les difficultés d'observance sont plus importantes à l'adolescence que
durant l'enfance, les adolescents évitant de prendre des médications en
présence de leurs camarades de classe (Stine 1994). On constate également
une augmentation de la prévalence de la dysphorie sous méthylphenidate à
cette période de la vie.
Le risque d'usage détourné de
psychostimulants est probablement plus important chez l'adolescent que
l'enfant (consommation excessive, distribution gratuite ou vente illégale
de psychostimulants aux autres élèves de la classe).
6.2.4. Chez les patients ayant une comorbidité
L’emploi de la Ritaline® est controversée
Les
patients traités ou ayant une comorbidite de tics chroniques ou de maladie
de Gilles de la Tourette
-
Ces patients peuvent voir les tics apparaître ou
s’aggraver obligeant à l’interruption du médicament.
-
Une amélioration des capacités attentionnelles et
du comportement sans aggravation des tics
-
En pratique, il est recommandé d'apprécier la
balance bénéfice/risque selon l'intensité du trouble
"hyperactivité" et du trouble "tics", et il faut
instituer, dans les cas de prescription, une surveillance
particulièrement attentive et fréquente, en informant les parents de l'état
actuel des connaissances sur ce point.
Dans
les cas de comorbidité avec des troubles anxieux
-
Certaines études suggèrent que la réponse au
méthylphénidate aurait moins d'efficacité, plus d'effets indésirables,
alors qu’il y aurait une meilleure réponse au placebo.
-
D'autres études ne mettent pas en évidence de
différence entre les patients hyperactifs avec ou sans troubles anxieux.
-
En pratique, dans les cas de prescription, le
prescripteur doit apporter un soin particulier au repérage du trouble
anxieux avant le traitement afin de ne pas imputer des symptômes antérieurs
à celui -ci.
Chez
les enfants souffrant de retard mental associé à l'hyperactivité
La Ritaline® diminue l'impulsivité,
l'hyperactivité et les troubles attentionnels en particulier dans les cas
de retards mentaux légers ou moyens, mais il ne paraît pas améliorer les
capacités d'apprentissage. Cependant, ces enfants présenteraient un plus
grand risque d'effets indésirables, ce qui implique une grande prudence
dans la prescription et la surveillance.
6.5. Contre-indications et les règles de prescription
6.5.1. Les contre-indications
En France, les contre-indications au
méthylphenidate, figurant sur le dictionnaire Vidal sont les
suivantes :
-
hypersensibilité au méthylphénidate,
-
manifestations d'angoisse, manifestations
psychotiques,
-
affections cardiovasculaires sévères,
-
hyperthyroïdie, glaucome, grossesse, allaitement ou
jeune fille en âge de procréer,
-
traitement par IMAO non sélectifs,
-
antécédents personnels ou familiaux d'abus de
substances,
-
antécédents personnels et/ou familiaux de tics
moteurs et Maladie de Gilles de la Tourette,
-
enfants de moins de 6 ans.
Certaines de ces contre-indications ne sont
pas reconnues au niveau international, (âge préscolaire, hyperactivité et
comorbidité (cf. ci-dessus)
Il est recommandé d'éviter de prescrire le
méthylphénidate à des patients (souvent des adolescents) ayant des facteurs
de risque de toxicomanie (par exemple milieu familial comportant des sujets
abusant de substances).
6.5.2. Les règles de prescriptions
L'administration du traitement est établie
de façon progressive, avec une posologie de un demi- comprimé matin et
midi. Les doses sont augmentées progressivement jusqu'à atteindre une
posologie comprise entre 0,5 et 1,5 mg/kg/j, sans dépasser 60 mg/j. Les
prises sont "classiquement" biquotidiennes le matin et à midi.
Pourtant, on observe actuellement, tant
dans la littérature que dans notre pratique clinique, une tendance au
fractionnement en trois prises par jour : matin, midi, et une
troisième prise à la sortie de l'école.
-
Cette troisième prise aide certains sujets à
réaliser plus efficacement le travail scolaire du soir et pour ceux,
nombreux, qui souffrent de difficultés d'apprentissage associés, de mieux
profiter des séances de rééducations.
-
Cette prise de la fin d'après-midi peut être
également bénéfique pour accomplir certaines activités de loisir (sports ou
musique) ainsi que pour améliorer les relations parents/enfants, en
particulier autour du travail scolaire et des taches à réaliser avant le
dîner et au coucher (toilette, rangement, télévision…). Il est toutefois
souhaitable que cette ultime prise ne soit pas administrée au delà de 17
heures pour ne pas gêner l'endormissement (Kent et coll. 1995, Day et coll.
1998).
Méthylphenidate (Comprime A 10 Mg,
Sécable) Ou Ritaline® AMM (31 Juillet 1995)
Conditions de prescription et de
delivrance
|
-
Prescription sur ordonnances sécurisées limitée à
28 jours
-
Prescription initiale hospitalière réservée aux
services spécialisés en Neurologie, Psychiatrie et Pédiatrie
-
Prescription initiale hospitalière valide pour un
an seulement (renouvelable chaque année)
-
Renouvellement possible par tout médecin, dans la
période intermédiaire (ordonnances sécurisées), sans qu'il puisse changer
la dose
-
Obtention en pharmacie sur présentation de la
prescription hospitalière ou de la prescription d'un autre médecin
accompagnée d'une prescription initiale hospitalière datant de moins de 1
an
|
Posologie
|
-
Individualisée et d'augmentation progressive
o
Comprise entre 0,5 et 1,5 mg/kg/j (en pratique de
10 à 60 mg/j)
-
Nombre de prises
o
2 à 3 prises (matin, midi, 16h30)
-
Durée
o
Interruption pendant le week-end non systématique
o
Intérêt "pratique" d'une période
d'arrêt pendant les vacances d'été
o
Durée globale du traitement en augmentation
|
Le professeur Mouren ne recommande pas de
suspendre systématiquement le médicament tous les week-ends et toutes les
vacances, car :
-
D’une part les vacances sont très fréquentes, et
d’autre part, tout au moins au début du traitement, il n’est pas utile de
prendre le risque que les week-ends se passent mal, que la famille souffre
de nouveau de l’état de l’enfant, alors qu’il vaut mieux profiter de
l’accalmie pour favoriser l’établissement d’un nouveau mode de relation.
-
Si certaines familles le souhaitent, faire l’essai
de l’arrêt pendant les week-ends et les vacances.
Actuellement Les règles sont moins rigides
qu’auparavant : soit traitement intermittent avec arrêt tous les
week-ends et toutes les vacances, soit traitement continu sans arrêt
pendant les vacances et les week-ends. Le traitement est établi au cas par
cas.
-
Certains enfants, quand ils arrêtent le traitement
pendant le week-end, ont une céphalée lors de sa reprise à pleine dose le
lundi. Cet inconfort justifie la non-interruption du médicament le
week-end.
-
Périodiquement, au moins pendant les vacances d’été,
le traitement est arrêté et il ne sera repris qu’un mois après la rentrée
scolaire pour évaluer le comportement, le travail scolaire et pour
apprécier la nécessité de reprendre ou non le traitement. C’est donc une
remise en question au moins annuelle et sur une durée suffisante :
-
Il arrive donc pour certains enfants mais surtout
pour les adolescents que le traitement ne soit pas repris car la
symptomatologie s’est fortement atténuée. Ce sont des situations
rares.
-
Souvent le test a été « assez négatif »,
les troubles s’étant à nouveau manifestés avec la reprise scolaire, ce qui
justifie la reprise du traitement qui sera peut-être de longue durée mais
dont la poursuite sera rediscutée chaque année. Certains sont soignés
actuellement plusieurs années. Le but étant de faire que l’enfant avance
dans sa scolarité sans grand dommage.
6.5.3. La surveillance du traitement
Les règles de surveillance sont simples,
essentiellement cliniques, effectuées à chaque consultation (ou
périodiquement) :
-
présence de tics, mouvements anormaux,
-
poids et taille (surtout si fortes doses),
-
compliance et adhésion de l'enfant et des parents
au traitement
6.5.4. Mais à quoi sert ce traitement si à l’âge adulte ces enfants
sont toujours pareils ?
L’objectif est double :
-
atténuer la symptomatologie
-
permettre à l’enfant de rester le plus longtemps
possible dans un circuit scolaire normal pour éviter le passage à la
marginalité.
Arrivé à l’âge adulte, on peut négocier
avec l’hyperactif bien mieux le choix du métier pour trouver un cadre de
travail pas trop contraignant. Le cadre de la scolarité, en France tout au
moins, est rigide. Des enfants hyperactifs, dont le départ en pays
étrangers (Russie, Hong Kong) faisait craindre une évolution peu favorable,
ont bénéficié de la rupture et d’une scolarité à presque mi-temps.
6.5.5. Facteurs prédictifs de réponse et durée du traitement
Lorsqu'on décide d'instaurer un traitement
par le méthylphénidate, il faut, pour en apprécier l'efficacité, choisir
les cibles paraissant les plus significatives pour chaque enfant et étudier
leur évolution :
-
Le
traitement, quand il est efficace, révèle cette efficacité rapidement ;
il n'est pas rare que les enseignants et les parents "voient une
différence" en moins d'une semaine, parfois dès le premier jour.
-
À l’inverse, il
faut se donner quelques semaines de traitement à doses optimales (1 à 2
mois) avant de déclarer le traitement inefficace.
Certains facteurs pourraient prédire une
réponse positive :
-
Les troubles attentionnels prédominants,
-
L'intensité moyenne des troubles (les formes
sévères restant les plus difficiles à améliorer),
-
Un quotient intellectuel élevé, le jeune âge (7-8
ans),
-
La faible comorbidité anxieuse et dépressive.
La durée du traitement ne peut être
annoncée au départ. A priori, en l'absence d'effets indésirables gênants et
si la coopération de l'enfant et de sa famille est satisfaisante, on
poursuivra le traitement tant que les symptômes entraîneront un handicap.
Arguments en faveur ou faisant
discuter la prescription du méthylphenidate (d'après Bange et coll. 2000)
|
Le
"pour"
|
Le
"Contre"
|
-
molécule très étudiée
-
délai d'action rapide
-
inutilité des dosages plasmatiques
-
efficacité prouvée et supérieure à celle de tous
les autres traitements (70% des cas)
-
rareté des effets indésirables
-
simplicité
des règles de prescription et de la surveillance clinique
|
-
traitement suspensif et non curatif
-
quelques effets indésirables exceptionnels mais
graves
-
la pauvreté des données sur l'efficacité à long
terme
-
le risque d'abandon des autres modalités de traitement
prescrites en association
-
la crainte de l'abus
-
la non-compliance fréquente et la stigmatisation
du patient
|
6.6. Les autres médicaments
Ils n’ont qu’une place limitée et relative
dans le traitement du THDA
A – Les antidépresseurs tricycliques (Tofranil®,
Pertofran®) sont proposés du fait de l’inefficacité des psychostimulants
(30%) ou de leur contre-indication.
B – La clonidine (Catapressan®) sans
efficacité sur les troubles attentionnels peut être utilisé pour traiter
les troubles comportementaux d’hyperactivité en cas d’inefficacité ou de
contre-indication de la Ritaline® (tics).
C – La carbamazépine (Tégrétol®) a été
proposée comme alternative pour les cas particulièrement résistants ou
lorsqu’il y a une lésion cérébrale.
7.
Les psychothérapies
7.1.
Les psychothérapies cognitivo-comportementales
Elles constituent un traitement
complémentaire indispensable au traitement médicamenteux ou comme une
alternative au médicament s’il est inefficace ou contre-indiqué.
Elles utilisent soit :
-
Des
procédures cognitives qui s’adressant aux enfants par petit groupe de 6
à 8, mais dont les limites sont importantes (coût, langage peu développé
chez le jeune enfant, absence de généralisation par l’enfant de la
technique apprise lorsqu’il se trouve dans un environnement différent, par
exemple scolaire)
-
Surtout des
approches cognitivo-comportementales s’adressant aux parents d’enfants
hyperactifs, avec un programme soit individuel soit en groupe de 6 à 8
familles. L’objectif du programme est de faire participer les parents au
traitement de la non-compliance des enfants hyperactifs, de les entraîner à
faire face aux situations difficiles qu’ils rencontrent, de leur apprendre
les stratégies de contrôle efficaces, cohérentes et adaptées au
comportement déviant de leur enfant.
La non-compliance décrit les difficultés de
« l’hyperactif » à adhérer aux règles de la vie familiale,
scolaire et sociale. Ces difficultés à suivre les règles ne sont pas
uniquement liées à une opposition mais aussi aux déficits cognitifs sous-jacents
comprenant :
-
un déficit dans les mécanismes gouvernant
l’attention soutenue,
-
un déficit dans la modulation de l’autocontrôle du
comportement,
-
un déficit touchant les stratégies de recherche et
de résolution de problèmes, inefficaces chez « l’hyperactif »
La non compliance :
-
génère la plainte la plus fréquente des parents
malgré l’efficacité du traitement médicamenteux,
-
sous-tend la majorité des interactions négatives
que l’enfant développe avec son entourage,
-
est un comportement qui va avoir tendance à se
généraliser à d’autres situations, avec d’autres intervenants (pairs)
-
a des effets indirects sur le fonctionnement
familial : renforcement négatif dans les interactions parents-enfants.
L’entraînement des parents dans le
programme cognitivo-comportemental, améliore l’habileté parentale dans les
rapports avec l’enfant, réduit le stress parental, permet aux parents de
mieux comprendre les difficultés de leur enfant et d’y faire face plus
efficacement, avec pour corollaire la réduction de la non-compliance et de
l’agressivité de l’enfant.
L’étude MTA (Multinodal treatement of
ADHD), de 1996, est la plus importante étude jamais réalisée en psychiatrie
de l’enfant. Elle montre que les psychothérapies cognitivo-comportementales
sont indispensables dans ce trouble, au même titre que le traitement
médicamenteux et qu’elles ne constituent pas seulement un complément de
traitement.
7.2. La psychothérapie dynamique
L’approche psycho-dynamique nécessite de
considérer la manifestation clinique comme un symptôme et non plus comme un
syndrome à part entière. les symptômes associés sortent du registre de la
comorbidité et sont évalués dans une approche globale.
L’implication de la famille dans la
démarche d’une psychothérapie dynamique est indispensable :
-
Une psychothérapie psychodynamique individuelle,
isolée de l’enfant est vouée à l’échec et ne peut se satisfaire du court
terme sollicité par les parents.
-
L’alliance thérapeutique avec l’enfant et sa
famille est fondamentale pour le bon déroulement de la psychothérapie.
-
Le travail de guidance parentale doit être engagé
avec un autre intervenant afin de préserver l’espace de penser de l’enfant.
Le travail psychothérapique individuel avec
un enfant est souvent difficile et long.
Il semble que la combinaison d’entretiens individuels
et familiaux soit bénéfique, en particulier si elle permet une mobilisation
parentale si elle permet une mobilisation parentale autour de la
psychopathologie familiale et un élargissement de la réflexion à partir du
symptôme hyperactivité.
|